Décryptage
Accélération des énergies renouvelables : les mesures pour impliquer les collectivités
La loi d’accélération des énergies renouvelables adoptée par le Parlement entend donner plus de place aux collectivités, avec la possibilité pour elles de signer des contrats d’achats direct d’énergie et de définir des zones d’implantation. Selon les experts, l’intention est bonne, mais la loi demeure incomplète.
Le projet de loi d’accélération des énergies renouvelables comporte plusieurs points concernant les collectivités. Ces dernières auront notamment la possibilité de signer des contrats de gré à gré avec les installations d’énergie renouvelable, en fonction de leur durée d’amortissement, afin de leur acheter directement de l’électricité ou du gaz. Pour un parc éolien par exemple, les contrats pourront courir sur 15 ou 20 ans.
Plus de visibilité sur les prix et une meilleure acceptabilité
Selon la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), les collectivités, en tant qu’acheteurs publics, vont ainsi disposer d’une meilleure visibilité sur les prix de l’énergie, avec des tarifs stables et à long terme. En outre, ces contrats vont être bénéfiques en termes d’acceptabilité locale, ce qui devrait aider à l’émergence de nouveaux projets. « Ces contrats vont permettre de donner du sens à la production d’énergies renouvelables. Pour les élus, il sera plus facile de faire comprendre l’intérêt d’une installation si les habitants savent que celle-ci permet d’alimenter un équipement ou un bâtiment utile à la communauté », explique Lionel Guy, chef de service Énergies renouvelables – Maîtrise de la demande en énergie, de la FNCCR.
Ce dernier souligne d’ailleurs d’autres éléments positifs qui peuvent concerner, directement ou non, les collectivités, comme l’extension du modèle d’autoconsommation collective au biogaz. Le texte contient également des mesures pour accélérer le développement du photovoltaïque, comme la possibilité de déroger à la loi Littoral, d’installer des centrales en zone montagne, etc. Enfin, il ouvre la possibilité pour les sociétés d’économie mixte (SEM) de devenir actionnaires et d’investir dans les communautés d’énergie.
Un trop-plein de planification
Un article du projet de loi donne par ailleurs aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), après ou avec la concertation du public, la possibilité de définir des zones d’accélération pour le déploiement de projets (photovoltaïque et éolien terrestre). Selon la FNCCR, il peut actuellement être lu comme un élément favorable, mais aussi comme un élément de blocage. Le processus est très encadré et les élus, ainsi que les citoyens, pourraient avoir le sentiment d’être contraints. L’État se donne en effet six mois pour fournir à chaque département des informations sur les gisements, la production, les contraintes, etc. Les collectivités devront ensuite répondre dans un délai de 6 mois.
Si elles ne proposent pas de zones d’accélération, il leur sera en outre impossible de mettre en place des zones d’exclusion. « Cela ressemble à une nouvelle couche de planification. Il faudra regarder précisément comment la mesure est mise en œuvre dans les territoires et comment elle va s’intégrer aux nombreux dispositifs existants : plan local d’urbanisme, schéma de cohérence territoriale, commission mixte paritaire, etc. », précise Lionel Guy.
Une question d’échelle
En outre, s’il est toujours intéressant de placer les élus locaux et les territoires au centre de la stratégie, encore faut-il que ceux-ci en aient les moyens. Pour la FNCCR, l’échelle d’un EPCI n’est pas adaptée. « Il serait plus judicieux de viser des bassins de vie tels que les Départements. La vision en silo risque de créer un droit de veto des maires, ce qui pourrait freiner le développement des projets ».
Enfin, la FNCCR s’inquiétait en particulier d’un point concernant le coinvestissement des collectivités dans les sociétés de projet. En effet, les députés souhaitaient que les actions de soutien aux énergies renouvelables relèvent d’une forme de compétence des EPCI, alors que la loi Énergie Climat indique bien qu’il ne s’agit pas d’une compétence, mais d’une simple capacité à agir en soutien, justement pour faciliter l’investissement des collectivités. « Cela signifie que si un EPCI investit dans une société de projet, les communes membres ne pourront plus le faire. Il s’agit d’un point essentiel, car les grands projets nécessitent beaucoup de capitaux. Or, pour voir émerger des projets à gouvernance locale, dans lesquels les collectivités participent au codéveloppement, plusieurs acteurs publics (communes, syndicats d’énergie, etc.) doivent avoir la possibilité d’investir », rappelle Lionel Guy. Ce point a finalement été retiré par les sénateurs.
Le soutien aux projets d’énergie renouvelable ne relèvera donc pas d’une compétence exclusive, mais de nombreuses interrogations demeurent. Il faudra désormais atteindre la publication de décrets ministériels pour avoir davantage de précisions, le texte ayant peu évolué en dernière lecture.