Portrait
Acceptabilité, résolution de conflits : Colin Lemée, le médiateur
Colin Lemée, chercheur et psychologue environnemental, travaille avec des agriculteurs, des collectifs citoyens et des élus sur les questions d’acceptabilité et de résolution des conflits qu’entraînent parfois les projets de transition énergétique. Il accompagne notamment les porteurs de projets d’énergies renouvelables
Colin Lemée exerce un métier peu connu. Il est chercheur et psychologue environnemental. « Côté recherche, mes travaux portent principalement sur l’accompagnement au changement de comportements et l’adaptation des populations aux risques », explique-t-il. Aujourd’hui, il met ses connaissances à profit de porteurs de projets d’énergie renouvelable – agriculteurs, groupe de citoyens et élus – pour les aider à gérer les conflits et à travailler sur l’acceptabilité. « Je peux intervenir à deux niveaux : en amont d’un projet, pour préparer la phase de communication, ou bien quand le conflit est déjà installé. L’idéal bien sûr reste la première option, mais dans la réalité, on fait souvent appel à moi quand le conflit est bien ancré », précise Colin Lemée. Son objectif alors ? Commencer par bien saisir le projet et ses enjeux. « Souvent, ce n’est pas uniquement le projet en tant que tel qui pose souci, mais plutôt le fait que les valeurs qu’il véhicule sont jugées incompatibles avec le territoire. »
« Dépassionner le débat »
Ainsi, il donne l’exemple d’un projet éolien cristallisant des oppositions de citoyens qui estimaient que cela allait défigurer le patrimoine religieux du lieu et de son identité. « Il a fallu travailler sur un récit de territoire, trouver des ponts, montrer que ce dernier évolue au cours du temps et que le parc éolien ne vient pas en opposition aux valeurs religieuses. Pour cela, il était primordial de dépassionner le débat, proposer des temps où les gens se rencontrent… »
Dans un autre lieu, des agriculteurs montant une unité de méthanisation ont fait appel à Colin Lemée, car ils faisaient face à une opposition virulente. « J’ai rencontré des porteurs très affectés. C’est un aspect dont on parle peu, mais faire face à des attaques peut créer des situations de détresse psychologique – certains de leurs enfants étaient harcelés à l’école. » Il a donc fallu, petit à petit, recréer un pont avec certains opposants, contacter de nouveau les élus, demander à faire une autre présentation du projet en conseil municipal… « Les agriculteurs ont repris confiance, la contestation s’est atténuée et le projet a été voté. »
« Chercher des formats de communication adaptés »
« Il semble vraiment important, en amont d’un projet, de travailler sur toutes ces questions d’acceptabilité, de communication et de prévention des conflits. Évidemment, ce n’est pas toujours simple, puisque les porteurs se concentrent sur la viabilité économique et les aspects techniques », poursuit Colin Lemée. Dans tous les cas, le psychologue environnemental précise qu’il n’y a pas de recettes miracles : « Je vois parfois des bureaux d’étude qui suivent des projets de méthanisation et proposent des ateliers participatifs et un site Web, mais cela ne va pas convenir à tous. Parler en public n’est pas aisé pour tout le monde, mettre à jour un site non plus. Il faut chercher des formats de communication adaptés à chaque fois pour éviter que les habitants pensent qu’on leur a caché le projet. » La difficulté réside aussi dans le fait que les thématiques de l’écologie et de l’identité d’un territoire sont très clivantes. « D’un côté, des agriculteurs par exemple ont eu un cheminement personnel qui les amène à monter un projet de méthanisation – parce qu’ils veulent changer de modèle agricole, parce qu’il est difficile de survivre en tant qu’éleveur… En face, les habitants, eux, peuvent se sentir agressés par cette unité nouvelle, visible. Il faut donc tenter de rendre les différentes valeurs compatibles et recréer du lien entre ces univers. »