Le tour de la question
Comment optimiser et verdir les réseaux de chaleur ?
En 2019, plus de 80 % des quelque 800 réseaux de chaleur en France ont livré une chaleur en partie verte. Des potentiels restent à exploiter.
La chaleur verte des réseaux de chaleur provient surtout de la biomasse et des unités de valorisation énergétique (UVE) des déchets ménagers. La chaleur issue des UVE offre « un beau potentiel de développement pour encore quatre à cinq ans. Ensuite, on aura fait le tour des sites d’ordures ménagères », estime Guillaume Perrin, chef du service des réseaux de chaleur et de froid à la FNCCR. En 2018, 79 réseaux de chaleur ont eu recours aux UVE ; et plus de 40 UVE n’étaient pas encore raccordées à des réseaux de chaleur. Autre potentiel, les quelques unités qui étaient sur une double production chaleur et électricité (cogénération) sont en train de se repositionner sur du 100 % chaleur. « Avec la fin de l’obligation d’achat, elles cherchent un autre modèle économique », explique-t-il.
La chaleur fatale, c’est aussi celle émise par les sites industriels et data centers, soit 2,5 % des entrants. Cette faible part reste freinée par un manque de visibilité sur la rentabilité à court terme. « Le temps de retour sur investissement est d’au moins dix ans pour un réseau de chaleur. Or l’industriel ne maîtrise pas la capacité de production de son site sur une telle durée », reconnaît Guillaume Perrin. La FNCCR préconise une logique de fonds de garantie ou de dégrèvement de taxes, en cas de baisse de production notamment. Les eaux grises des réseaux d’assainissement, à une température de 23-27 degrés, sont aussi une source à exploiter. Un pari à moyen terme pour Guillaume Perrin, qui estime que cette filière n’est pas encore mature, même si les techniques sont au point.
Vers un essor de la biomasse et de la géothermie
Le segment biomasse devrait lui aussi progresser, grâce à de nombreux investissements dans la filière bois ces dernières années. « Un gisement est sous-utilisé, celui du bois-déchet : ameublement, palettes ou encore l’élagage en collectivité », note l’expert de la FNCCR. Enfin, la géothermie offre encore de beaux potentiels «.en Île-de-France, dans la plaine du Valenciennois, autour du grand Bordeaux, de Pau, et au nord du Rhône.».
Pour verdir davantage les réseaux de chaleur, Guillaume Perrin rappelle l’intérêt de la taxe carbone, retirée par le gouvernement fin 2018 suite au mouvement des gilets jaunes. Face à des investissements conséquents, non seulement il juge important de maintenir les aides du Fonds chaleur, mais aussi de « garantir que cette énergie reste compétitive dans le temps ». Or, l’inconnu reste le prix du gaz ou du fioul, soumis à des aléas conjoncturels et internationaux que les exploitants et les collectivités ne maîtrisent pas. « La contribution climat-énergie était la solution pour permettre la pérennité du sujet. Sa suppression crée un manque d’assurance préjudiciable. ». Point positif, dans la perspective des municipales, Guillaume Perrin constate que « depuis six ans et le précédent scrutin, beaucoup plus d’élus sont intéressés par les questions de la transition énergétique et de la thématique chaleur et froid renouvelable ».
Enquête 2019 sur les réseaux de chaleur et de froid (Fedene – SNCU*)
En 2018, les énergies renouvelables et de récupération représentent 14,1 TWh des livraisons d’énergie dans les réseaux de chaleur en France, sur un total de 25,4 TWh. Cette part est en augmentation régulière, même si le rythme actuel ne permettra pas d’atteindre les objectifs fixés par la PPE (24,4 TWh en 2023).
Sur 781 réseaux de chaleur étudiés, 82 % ont livré une chaleur issue en partie d’énergie verte. Et 76 % ont utilisé des énergies renouvelables et de récupération à plus de 50 %.
Énergie entrante :
- Unités de valorisation énergétique des déchets ménagers : 25 %. L’énergie des UVE est estimée par convention à 50 % renouvelable et à 50 % de récupération ;
- Biomasse : 22 % ;
- Géothermie : 5 % ;
- Chaleur fatale industrielle : 2,5 %.
* Fédération des services énergie-environnement, Syndicat national du chauffage urbain et de la climatisation urbaine
Optimiser la production
Le principe est d’avoir un différentiel de température le plus élevé possible entre la température de l’eau à l’aller et celle au retour. « La puissance thermique produite par la centrale est proportionnelle à cette différence de température », explique Guillaume Perrin. Plusieurs leviers existent : optimiser le pilotage de la source du réseau de chaleur, le transport de l’énergie, la conception du réseau et des bâtiments qui y sont connectés. Les outils numériques aident à concevoir l’architecture la plus adaptée.
Pour aller plus loin : « Vers le réseau de chaleur 2.0 : optimiser la réalisation et la conduite de son réseau »