Le tour de la question
Consommations réelles d’énergie : des gains mesurés à Paris
L’Apur, Atelier parisien d’urbanisme, a étudié les consommations énergétiques réelles de plus de 76 000 logements sociaux parisiens en 2022 et 2023, avec un focus sur leur évolution avant et après travaux dans 9 000 logements sociaux rénovés. Analyse de résultats avec Gaëtan Brisepierre, sociologue, spécialiste de la transition écologique.
L’étude de l’Apur confirme et mesure la forte élasticité des niveaux de consommation avec les prix de l’énergie* : plus une énergie est chère, plus les comportements sont sobres, par obligation ou par choix.
Des baisses conséquentes
Pour Gaëtan Brisepierre, c’est la partie la plus intéressante de l’étude en ce qu’elle démontre la marge de manœuvre dont les pouvoirs publics disposent pour économiser l’énergie via la sobriété. « En dehors des opérations très coûteuses de rénovation énergétique d’envergure, comme celles observées par l’Apur, les baisses de consommation réelles sont de 12 % pour les logements chauffés au gaz individuel, de 10 % pour les logements en gaz collectif et de 5 % pour les logements équipés d’un chauffage électrique. On en a sous le pied ! »
Cela signifie pour lui qu’en activant volontairement – comme lors de la période analysée par l’Apur – les ressorts de l’intérêt personnel (économies sur la facture pour pallier l’augmentation des prix due à la crise énergétique) et la participation à l’effort collectif (diminuer le déficit commercial des échanges internationaux de ressources énergétiques, éviter un black-out lié à un blocus, consommer local, etc.), ce qui a été fait pendant l’hiver 2022, les habitants font de réelles économies.
Des marges pour l’action
Sur les logements rénovés, Gaëtan Brisepierre ne fait pas la même analyse que l’Apur qui, pointant la baisse moyenne de 28 % des consommations énergétiques réelles avant et après travaux, conclut que « l’effet rebond – à savoir une augmentation des consommations énergétiques consécutive à la diminution observée à la suite de la réalisation des travaux de rénovation – décrit dans plusieurs études menées sur le même thème, notamment à l’étranger, n’a pas été observé dans les opérations parisiennes ».
Pour le sociologue, « les opérations de rénovation Plan Climat affichent des gains énergétiques moyens estimés à 54 % selon la Mairie de Paris : on en est loin ici. Difficile d’expliquer cet écart, dû à un ensemble de facteurs, à toutes les étapes de la chaîne : l’usager et son comportement de chauffage, la plus ou moins bonne mise en œuvre des matériaux et des systèmes et leur exploitation, mais aussi la différence entre des consommations évaluées et réelles. On ne peut donc pas parler d’absence d’effet rebond, puisque les gains réels sont moitié moins importants que ceux généralement attendus sur des opérations similaires ».
Jusqu’à 34 % de gain énergétique
L’Apur met également l’accent sur des gains énergétiques allant jusqu’à 34 % pour la seule année 2023 pour la situation après travaux – quand l’étude porte pour mémoire sur les deux années 2022 et 2023 –, « c’est-à-dire une année post-crise énergétique durant laquelle les politiques de sobriété engagées par les bailleurs ont pesé sur la totalité de la période de chauffe », juge Gaëtan Brisepierre. Cela illustre les marges de manœuvre dont les politiques disposent pour faire baisser les consommations via des actions de communication en faveur de la sobriété.
* Les consommations réelles, relevées au compteur, sont exprimées en énergie finale distribuée sur le lieu de consommation. Sont écartées de l’analyse de manière forfaitaire : l’énergie de cuisson et l’électricité spécifique consommée, par exemple avec les équipements ménagers. Les consommations sont également corrigées des variations climatiques pour permettre des comparaisons d’une année à l’autre.
