Portrait
Des transitions plurielles et à plusieurs
Directrice de l’agence locale de l’énergie et du climat de Bretagne sud (Aloen), Marie-Laure Lamy s’applique à tester des solutions qui remettent l’humain au cœur “des” transitions.
« Tout seul, on va plus vite. Ensemble, on va plus loin. » Marie-Laure Lamy a fait sien ce proverbe et s’en inspire pour mener à bien sa mission de directrice de l’agence locale de l’énergie et du climat de Bretagne sud (Aloen). C’est donc tout naturellement qu’en prenant ses fonctions en octobre 2010, elle met l’agence sur les rails pour la création d’une boucle énergétique locale… humaine. « Il s’agissait de répondre à un appel à projets de la Région Bretagne sur le sujet et notre particularité a été de nous concentrer sur l’humain plutôt que sur la technologie », retrace Marie-Laure Lamy. L’agence, qui à l’époque ne compte que trois salariés, fédère ainsi un réseau d’acteurs : collectivités, entreprises, associations, gestionnaires de réseau, chercheurs… Des pionniers, avec des intérêts différents, mais qui convergent tous sur un point : la nécessité d’une transition énergétique. Au cours des trois ans de ce travail en boucle, de nombreuses idées émergent, certaines mises en œuvre par Aloen, qui s’agrandit au fil des projets : de 5, à 8, puis 12 et enfin 17 salariés. « Entre 2010 et fin 2018, nous avons vraiment vécu la re-territorialisation des questions énergétiques, détaille la directrice. Les financeurs suivaient nos idées, nous n’étions pas dans le concurrentiel ou dans la rentabilité, mais dans le défrichage, et cela a été passionnant. »
Faire “avec” et non “pour”
C’est ainsi qu’est née la mission d’accompagnement des entreprises sur le territoire : une sorte de point info énergie 2.0 qui cherche à les impliquer dans la rénovation énergétique. Ou encore le projet Solenn, un démonstrateur de réseau énergétique communiquant, coordonné par Enedis. Fidèle à ses convictions, la directrice s’est attachée à la dimension humaine et pas seulement technologique du projet : 600 familles ont été accompagnées par Aloen, en partenariat avec des chercheurs en sciences humaines et sociales de l’université de Bretagne-sud, pour étudier les meilleures méthodes menant aux changements d’usage. Marie-Laure Lamy a tiré de cette expérience de précieux enseignements qu’elle résume en quelques formules choc : « Il faut arrêter de faire pour, il faut faire avec. » Ou encore : « Un des grands leviers du changement d’usage, c’est le plaisir qu’on obtient à adopter de nouvelles pratiques. » Et pour que ce plaisir existe, la directrice insiste aussi sur la déculpabilisation : « Par exemple, j’essaie de sauver la planète et pourtant, je suis fumeuse ! C’est très paradoxal, mais personne n’est parfait. » Pour elle, viser la perfection risque plutôt de mener au découragement. Elle préfère donc aller chercher les bonnes pratiques chez chacun, miser sur l’émulation du collectif et avancer petit à petit.
Changer d’indicateurs
Ensemble, bien sûr, mais aussi sur tous les fronts. Car, ajoute-t-elle, « la transition énergétique n’a pas de sens, isolée. Elle doit être plurielle : agricole, alimentaire, sociale, numérique, économique et énergétique. » C’est à ce prix qu’il sera possible de construire un autre modèle de société, « un qui fait envie ». Et pour y arriver, il faut penser local… et donc disposer de financements à cette échelle. Marie-Laure Lamy milite pour que la contribution énergie soit réévaluée et affectée aux territoires pour leurs transitions plurielles. « Le problème, c’est que j’ai l’impression que les politiques actuels ne font pas confiance aux organismes à but non lucratif », regrette-t-elle. Résultat : les financements se font plus rares et la directrice en vient même à s’interroger sur la pérennité de son agence. Son alternative? Faire appel au mécénat… mais pour attirer les financeurs, il faut pouvoir leur montrer l’utilité des actions menées. « Or celle-ci ne se mesure pas selon les valeurs du capitalisme, précise Marie-Laure Lamy, titulaire notamment d’un DEA d’histoire de la pensée économique. Il nous faut donc trouver d’autres indicateurs, qui révèlent vraiment l’utilité sociale de nos actions. » Tout un chantier… qu’Aloen compte bien mener, là encore, à plusieurs.