Le tour de la question
En Normandie, des aides cousues main aux collectivités
Si les appels à projets sont efficaces dans une certaine mesure pour favoriser la transition énergétique et écologique, ils ne peuvent répondre à toutes les situations. L’Ademe et la région Normandie testent une nouvelle approche auprès de cinq intercommunalités.
Proposer un soutien sur mesure plutôt que de pousser les collectivités à entrer dans des cases : voilà l’ambition de l’expérience pilote lancée le 26 août dernier par l’Ademe et la région Normandie dans l’espoir d’accélérer la transition énergétique et écologique. « Quand j’ai pris la présidence de l’Ademe, j’ai fait un tour de France au cours duquel j’ai rencontré Hervé Morin, le président de la région Normandie. Nous partagions la même réticence au “tout appel d’offres”. Certes, c’est un mode de gestion confortable, parfait pour stimuler un marché qui démarre par exemple, ou pour l’innovation. Mais il y a beaucoup de projets pour lesquels ce système n’est pas adapté. Résultat, la transition écologique ne va pas assez vite. On s’est dit qu’on allait inverser la pyramide et partir du besoin du territoire », explique Sylvain Waserman.
Cinq intercommunalités pilotes
Concrètement, l’agence et la Région ont proposé à cinq intercommunalités de Normandie déjà engagées dans la transition (Fécamp, Granville, Bernay, Courseulles-sur-Mer et Argentan) d’analyser ensemble leurs ambitions et leurs difficultés. Elles sélectionnent quatre à cinq projets par collectivité, dans des domaines variés comme les transports, l’alimentation, le bâtiment et bien sûr l’énergie, pouvant être accompagnés techniquement et juridiquement. Les projets peuvent également obtenir un soutien financier si nécessaire à travers des dispositifs existants ou dérogatoires. « Ce sont des projets sur lesquels il n’y aurait jamais eu d’appel à projets (AAP). Nous allons voir comment les puissances publiques nationale et régionale peuvent les accompagner pour lever les freins un à un et les faire entrer rapidement dans une phase opérationnelle », poursuit Sylvain Waserman.
Parmi ceux retenus, dans le domaine de l’énergie, on peut citer le projet d’autoconsommation collective d’électricité renouvelable de l’intercommunalité Terres d’Argentan (34 000 habitants) qui porte l’ambition d’être autonome en énergie d’ici à 2048. La collectivité souhaiterait installer des panneaux solaires sur les bâtiments publics et d’entreprises avec l’idée de créer à terme une communauté énergétique de citoyens « On aimerait que tout un chacun puisse entrer en tant que producteur et/ou consommateur. Mais il y a beaucoup de points juridiques à voir. C’est là-dessus notamment que l’on va être aidé », explique Frédéric Leveillé, maire d’Argentan et président de Terres d’Argentan Interco.
Deux ans d’expérimentation
Fait particulièrement innovant, la collectivité souhaiterait que la communauté énergétique n’intègre pas que des producteurs d’énergie photovoltaïque, mais également des producteurs d’énergie éolienne. « Le problème des AAP et des appels à manifestations d’intérêt, c’est en effet qu’il faut avoir le bon projet au bon moment. Ces modes de gestion ne correspondent pas toujours à nos calendriers. Et en cas de sélection, les projets mettent plusieurs années à sortir. Là, l’idée est d’aider des projets quasiment opérationnels à se concrétiser rapidement. C’est ce qui m’a intéressé. J’espère que le système proposé va permettre de sortir des habitudes administratives », poursuit le maire.
L’Ademe, qui espère faire aboutir les projets en moins de deux ans, fera des points régulièrement, en décembre d’abord, puis dans un an. Si la méthode s’avère efficace pour accélérer la transition écologique et énergétique, elle pourrait ainsi être généralisée à l’ensemble du territoire. Le cas échéant, l’agence compte sur l’augmentation importante de ses effectifs pour absorber la charge de travail nécessaire. Pas moins de 99 équivalents temps plein supplémentaires ont été obtenus pour 2024. « Un effort sans précédent », assure Sylvain Waserman.