Entretien
Gommegnies : une école exemplaire en bois, terre crue et paille
Depuis mai 2024, cette petite commune du Nord dispose d’une nouvelle école, qui a fait appel aux matériaux biosourcés et locaux, et aussi aux mains (et cerveaux) des habitants. Entretien avec Benoît Guiost, le maire de Gommegnies.

Quelle est la genèse du projet de nouvelle école ?
Benoît Guiost : Cela ne faisait pas partie de mon projet électoral en 2020. Mais quand je suis devenu maire, j’ai pris peu à peu conscience des coûts de fonctionnement des bâtiments, des flux compliqués et pas très logiques entre les différents espaces… Car il faut savoir que les maternelles et les élémentaires étaient séparés, et qu’il fallait par exemple traverser la cour pour se rendre aux toilettes. Rien n’était simple pour le personnel et les élèves.
La municipalité décide donc de construire une nouvelle école. Comment vous y êtes-vous pris ?
B. G. : Nous avons d’abord proposé plusieurs tables rondes aux parties prenantes. Les parents, élus, enseignants, le personnel périscolaire, le personnel d’entretien ont été conviés à parler de la vie à l’école, des besoins, des manques, des difficultés… Nous souhaitions que cette école dure le plus possible dans le temps et avons travaillé avec l’architecte Amélie Fontaine, qui développe une vision sur les enjeux environnementaux, via l’identification des ressources et des savoir-faire locaux.
Et c’est ainsi que la paille, le bois et la terre sont arrivés…
B. G. : D’abord, l’idée a été de concevoir les bâtiments pour qu’ils profitent de l’ensoleillement l’hiver et s’en prémunissent l’été, tout en apportant le plus d’inertie possible. Nous avons ainsi fait le choix de la terre crue pour les cloisons, du bois (et soutènement béton) pour les murs périphériques et de la paille pour l’isolation par l’extérieur. Cette dernière provient de terres agricoles situées à 7 km maximum de l’école. Nous sommes allés la ramasser avec des ados de la commune. Du triple vitrage et des menuiseries bois ont complété tout ça.
Comment avez-vous mis en œuvre la terre crue ?
B. G. : Nous avons fait analyser l’argile du site, pour savoir si elle était utilisable [par le bureau d’études Amaco, spécialiste de la terre crue, ndlr] pour atteindre de bonnes performances acoustiques. Précisons tout de même qu’il a fallu convaincre le conseil municipal, puisque certains élus se demandaient un peu où l’on allait… Il y a donc eu quelques tâtonnements pour trouver le bon mélange de terre afin de fabriquer les briques de terre crue (BTC).
Car vous avez fabriqué les BTC vous-mêmes ?
B. G. : Oui, nous avons voulu faire participer les habitants. 300 volontaires, dont des parents, mais aussi des personnes de communes alentour, ont mis la main à la pâte pour concevoir, en juillet 2022, 3 800 BTC. 3 500 ont au final été utilisées. Nous n’avons pas nous-mêmes monté le mur. Cela nous paraissait important d’impliquer les citoyens dans le projet, et c’était une belle manière de faire preuve de pédagogie, d’expliquer l’intérêt des matériaux biosourcés…
Et côté chauffage ?
B. G. : Notre prérequis était de réutiliser les chaudières à pellets existantes, mais de ne pas en construire une troisième. De fait, la conception bioclimatique de l’école a permis de respecter cela. L’école a ouvert en mai 2024. On peut d’ores et déjà voir qu’avant, nous consommions 10 000 kWh de chauffage mensuel uniquement sur l’école maternelle. Désormais, sur le bâtiment total, qui comprend maternelle et élémentaire, sur ces premiers mois d’hiver, nous sommes à 2 000 kWh ! Donc le surcoût (lire encadré) sera largement compensé par ces économies d’énergie. Prochaine étape : l’installation de panneaux photovoltaïques (76 kW), qui permettra de produire à l’année l’équivalent de la consommation électrique de tous nos bâtiments communaux.
Quels conseils donneriez-vous à des communes comme la vôtre qui voudraient se lancer ?
B. G. : Ne pas négliger le temps de réflexion avec tous les acteurs, écouter ce qu’ils ont à dire, mais aussi faire le choix d’un(e) architecte engagé(e) sur ces thématiques. La nôtre a passé une année avant de déposer le permis de construire, en exigeant beaucoup de plans et d’informations auprès des entreprises. Ensuite, bien communiquer auprès des habitants. Aujourd’hui, les enseignants louent le confort de leur nouvelle école sur la température, l’acoustique et les déplacements. La directrice a constaté au moins un tiers de bagarres en moins entre élèves !
En chiffres
– École de 960 m², 4 classes, 1 dortoir, 1 réfectoire, 1 salle de motricité.
– Coût total : 4 millions d’euros HT, dont 122 000 euros d’études.
– Soutien de l’État, du Département Nord et de la Région Hauts-de-France à hauteur de 80 %.