Portrait
Infrastructures de transport : « Il est nécessaire de prendre en compte le changement climatique »
Divers chantiers doivent aboutir dans les prochains mois concernant les efforts d’investissement dans les infrastructures de transport pour développer les alternatives à la route et favoriser la mobilité du quotidien. Entretien avec Aurore Colin, cheffe de projet – Territoires et climat chez I4CE.
Élisabeth Borne a annoncé en février, 100 milliards d’euros pour le ferroviaire d’ici à 2040.
Est-ce un signal positif ?
Aurore Colin : Oui, même si le plan en question n’est pas encore précis. Pour mesurer la portée de cette somme, à première vue conséquente, il faudrait savoir ce qu’elle couvre. Va-t-elle s’ajouter aux investissements historiques ou encore à ceux prévus dans le contrat de performance SNCF Réseau/État sur la période 2021-2030 ? Sur dix-sept ans, 100 milliards correspondraient à 6 milliards d’euros par an. Or, SNCF Réseau a investi en moyenne 5,7 milliards d’euros chaque année dans le réseau ferroviaire les dix dernières années. Nous avons pour notre part estimé dans la dernière édition du Panorama des financements climat que le besoin d’investissement dans les infrastructures ferroviaires s’élevait à 8 milliards d’euros par an d’ici 2030 si l’on veut atteindre les objectifs de la Stratégie nationale bas carbone adoptée en 2018.
Quel rôle les collectivités vont-elles jouer ?
Les collectivités sont en train de renégocier le volet mobilités des contrats de plan État-Région pour 2023-2027. On devrait ainsi en savoir plus d’ici à l’été sur les projets dans lesquels elles vont investir. Côté État, comme prévu par la Loi d’orientation des mobilités de 2019, une mise à jour de la programmation des investissements dans les infrastructures de transport pour les cinq prochaines années va avoir lieu sous peu. L’État va s’appuyer sur les travaux du Conseil d’orientation des infrastructures, dont le dernier rapport a été publié en décembre. L’objectif est notamment d’investir dans les infrastructures de report modal pour donner des alternatives à la voiture dans les déplacements du quotidien ou de longue distance. Précisons tout de même que les investissements dans les infrastructures ne seront pas suffisants, il faut aussi des politiques et des financements pour accompagner au changement de pratique.
Comment faire ?
En plus d’améliorer l’offre d’infrastructures, des politiques doivent être mises en place pour agir sur la demande : il s’agit à la fois d’encourager les transports collectifs, de décourager l’usage de la voiture et de favoriser les modes les plus sobres. Par exemple via la sensibilisation ou l’évolution des mesures tarifaires en faveur du report modal (taxes sur les carburants, péages autoroutiers, stationnement payant…).
Qui va financer les investissements ?
C’est historiquement et principalement l’État et les collectivités, mais les besoins vont augmenter, il faut donc de nouvelles recettes. L’État a évoqué une contribution du secteur aérien et des sociétés d’autoroute. Côté collectivités, il va sans doute falloir imaginer de nouveaux dispositifs de financement, comme la récupération d’une part des plus-values immobilières liées aux opérations de transports.
I4CE insiste aussi sur la nécessité de prendre en compte l’adaptation au changement climatique, pourquoi ?
C’est en effet selon nous trop peu évoqué. Le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu a indiqué vouloir préparer la France à un scénario + 4°C. Il est donc capital de s’assurer que les milliards d’euros investis dans les infrastructures seront bien adaptés aux futures vagues de chaleur, inondations ou autres événements climatiques extrêmes, afin de ne pas être contraints d’ici à quelques années à devoir réinvestir parce qu’on aura sous-estimé cela. Intégrer l’adaptation dès la conception des opérations ne représente qu’un surcoût limité – ce sont surtout des études et de l’ingénierie en amont pour bien concevoir les projets – et permettra de réduire les dépenses publiques curatives et les pertes d’exploitation en cas d’intempéries.
Un institut pour le climat
I4CE est un institut de recherche à but non lucratif qui contribue par ses analyses au débat sur les politiques publiques d’atténuation et d’adaptation au changement climatique.