Portrait

La transition énergétique selon Luc… et Jean-Claude

Jean-Claude Pons vient d’être réélu maire de sa commune de Luc-sur-Aude, dans le piémont pyrénéen. Depuis plus de 10 ans, cet agriculteur a engagé une « transition énergétique » locale exemplaire… l’air de rien.

PAR FRANCK TURLAN - MAI 2020
Jean-Claude Pons fait souvent visiter la centrale solaire de 250 kW, construite sur une parcelle communale ©DR

Paysan, écologiste, spécialiste des signes de qualité en agriculture… Jean-Claude Pons est tout cela à la fois. Il est aussi l’un des milliers de « petits maires » que compte la France, un de ces garants de l’unité républicaine dont le rôle est surligné par la pandémie. Elu maire de Luc-sur-Aude depuis 2008, après un premier mandat en tant qu’adjoint, Jean-Claude Pons a engagé ce village de 230 habitants sur la voie de la transition énergétique, bien avant que la formule fasse florès. Il avait « le fond »… « Une culture universitaire scientifique, écologique, qui m’a fait comprendre que l’énergie est au centre de toutes les thématiques : réchauffement climatique, épuisement des ressources naturelles… Un litre de gazole dans une machine, c’est équivalent au travail de 300 hommes pendant 8 heures : c’est une énergie fantastique, dont nous faisons un usage discutable», dit-il ainsi.
Un savoir doublé d’une culture politique, qui l’a amené tout jeune à être l’un des co-fondateurs des Verts, avant de passer à l’action concrète : il s’installe en 1984 comme agriculteur à Luc-sur-Aude, où il produit toujours plantes aromatiques et huiles essentielles ; il crée avec quelques-uns l’organisme certificateur « bio » Ecocert. Il devient consultant auprès de la FAO et de l’Union européenne, se voit octroyer la casquette de « l’expert » mondialement reconnu sur les questions d’indication géographique de provenance, sans prendre lui-même la « grosse tête » : il garde les pieds bien ancrés dans la terre du piémont pyrénéen, reste un paysan. Et un maire.

« Par le biais des économies et du bon sens »

Comment s’est fait le déclic ? Jean-Claude Pons n’a pas échaffaudé de grand plan pour engager son village vers la transition énergétique, mais une simple rencontre, au bon moment : celle d’un ingénieur venant de créer son bureau d’études thermiques dans un village voisin, Eco2Bat… « Il m’a proposé un diagnostic énergétique du patrimoine communal. On a découvert beaucoup de choses : la surconsommation de la station d’épuration, où des pompes fonctionnaient non-stop ; celle de l’école, où les instits’ ne savaient pas comment arrêter le chauffage électrique et ouvraient les fenêtres quand il faisait trop chaud. Sur un logement communal qui était une passoire énergétique « tout électrique », on a isolé avec de la ouate de cellulose et placé un poêle à bois : notre locataire faisait son bois et il était tout heureux de voir sa facture annuelle de chauffage passer de 1500 à 40 €. C’est par le biais des économies et du bon sens qu’on a pu avancer, en créant du consensus. Un adjoint a voulu ensuite qu’on regarde notre éclairage public. On a changé nos vieilles lampes à vapeur de mercure et on est allés plus loin, en proposant à la population l’extinction nocturne, de minuit à 5 heures ».
Par imprégnation et petits pas, Jean-Claude Pons peint le tableau de la transition énergétique : vues de près, ce sont de petites actions ; de plus loin, il y a bien un dessein, reposant sur une pensée. Le maire agit avec ses collègues élus municipaux et les habitants. Car parallèlement à l’exemplarité recherchée sur le bâti communal, le maire a vite voulu apporter des solutions à ses administrés, les associant de facto à une démarche globale villageoise : l’Espace Info Énergie animé par le CAUE (Conseil d’Architecture d’Urbanisme et de l’Environnement) de l’Aude a ainsi assuré des « nuits de la thermographie », où chaque habitant a pu voir où c’était « rouge » pour sa propre maison, et bénéficier de conseils indépendants et gratuits.

La commune, échelon de la réappropriation

Enfin, Jean-Claude Pons a saisi l’opportunité d’un appel à projets de la Région Occitanie, pour convertir un banal projet de centrale photovoltaïque au sol en un projet novateur, coopératif et citoyen. Depuis deux ans, la petite centrale de 250 kW gérée par la coopérative « 1,2,3, Soleil » injecte sur le réseau local autant d’électricité que les habitants de Luc-sur-Aude en consomment (environ 320 000 kWh, soit la consommation électrique de 215 habitants hors chauffage). « L’idée d’avoir un parc solaire par village, c’est l’idée d’adapter la production aux besoins et surtout de permettre la réappropriation des moyens de production de l’énergie. En revanche, je ne trouve pas pertinent le projet d’autonomie de certaines communes, où on « couperait les fils ». Mais si l’intercommunalité permet de mutualiser avec d’autres communes qui ont moins d’espace, la commune est le lieu de cohérence entre la production et la consommation, surtout pour l’électricité. Si 80 % des villages de France avaient leur petite centrale, ça changerait le visage de l’énergie dans notre pays ».

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