Entretien

« L’argent investi dans la transition ne se perd pas dans la nature, il engendre des retombées dans les territoires »

Nicolas Portier, professeur affilié à l’École urbaine de Sciences Po, travaille sur la planification écologique au défi de la territorialisation, c’est-à-dire la déclinaison des objectifs nationaux à l’échelle locale, et sur le financement des transitions. Il nous livre quelques-unes des conclusions de ses deux premiers rapports. Entretien.

PAR CLAIRE BAUDIFFIER - DéCEMBRE 2025
Nicolas Portier, professeur affilié à l’École urbaine de Sciences Po. ©Lionel Pagès

Le premier volet de votre programme d’études porte sur la territorialisation de la planification écologique à travers les COP régionales notamment. Quel en est le bilan ?

Nicolas Portier : Cette descente d’échelle de la planification a contribué à fédérer les acteurs sur le terrain. Même si certains étaient parfois un peu dubitatifs, ayant l’impression qu’on leur demandait de refaire quelque chose d’équivalent aux schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet). La territorialisation permet aussi de prendre en compte la diversité des profils régionaux en termes d’émissions à effacer, et de considérer que les leviers d’action ne peuvent pas être les mêmes partout. Il faut déployer les transitions, et donc les financements de celles-ci, de manière différenciée entre les territoires. Sortir de la vision uniforme que l’on plaque trop souvent.

Il semble par ailleurs y avoir un fossé entre cet effort de territorialisation et les difficultés que rencontre l’État en matière de planification…

N. P. : L’État devrait être un réducteur d’incertitudes, mais ce n’est pas le cas. La publication de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) est attendue depuis plus de deux ans, ce qui bloque également la stratégie nationale bas carbone dont on parle moins. De fait, cela paralyse par ricochet l’action des régions, puisqu’il était prévu de décliner la PPE à travers des volets régionaux. Les Comités régionaux d’énergie, qui se prononcent sur les projets de zones d’accélération des énergies renouvelables proposés par les communes, se retrouvent paralysés faute d’objectifs cibles. Tout le monde attend.

Vous dites que les investissements subissent quant à eux un effet yo-yo. C’est-à-dire ?

N. P. : Nous alternons en effet des périodes de chaud et de froid en matière d’investissement public. Des moyens exceptionnels ont été mobilisés lors de la période de relance, puis lors de la crise énergétique, mais les coupes budgétaires sont aujourd’hui brutales, ce qui désorganise les filières et exerce un effet récessif. Il faudrait au contraire protéger les dépenses d’investissement. Les changements permanents des règles, comme sur MaPrimeRénov’, sont très perturbants. La décentralisation offrirait davantage de stabilité, assortie d’un regain d’autonomie fiscale nécessaire. Les régions et départements n’ont quasiment plus de leviers propres.

Sur les ordres de grandeur de financements nécessaires, vous nuancez les chiffres anxiogènes que l’on entend parfois…

N. P. : Les flux d’argent public et privé orientés vers les transitions représentent déjà 100 à 150 milliards par an selon les périmètres retenus. Il faudra sans doute ajouter autour de 30 à 50 milliards d’euros par an pour respecter la trajectoire que nous nous sommes donnée. Mais cet effort d’investissement et d’équipement peut susciter, en aval, des économies de fonctionnement importantes. L’argent investi ne va pas se perdre dans la nature. Il peut susciter des retombées économiques dans les territoires, en relocalisant de la valeur ajoutée. Beaucoup de collectivités l’ont d’ailleurs déjà compris. Nombreuses sont celles qui s’engagent dans la production d’énergie, en s’associant avec des partenaires privés. Elles ne sont plus seulement de simples terres d’accueil des centrales de production d’énergies renouvelables. Elles produisent, gèrent et dégagent des recettes qui peuvent servir à financer la transition énergétique, des services publics de mobilités, des tarifications solidaires… C’est vertueux.

Lire le rapport La planification écologique au défi de la territorialisation.

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