Portrait

Le photovoltaïque en pente douce

Il y a trente ans, l’association Hespul injectait pour la première fois des électrons solaires dans le réseau électrique. Alors qu’un tarif d’achat avait permis à une centaine d’installations de se déployer en Suisse, il faudra attendre 2002 pour qu’un tarif se mette en place en France. Bilan avec Marc Jedliczka, directeur général.

PAR CHRISTEL LECA - SEPTEMBRE 2022
Marc Jedliczka, directeur général d’Hespul. ©DR

Selon le dernier baromètre EurObserv’ER, un peu plus de 14 GW de photovoltaïque sont installés en France, pour un objectif fixé à 20 fin 2023. Est-on sur la bonne voie ?

Depuis trente ans, la baisse des prix du solaire, grâce à la mise en place des tarifs d’achat, a permis à l’industrie photovoltaïque de devenir compétitive : on peut remercier les inventeurs et les promoteurs de cet outil qui avait été pensé précisément pour cela ! Mais, en France, on en parle beaucoup plus qu’on ne réalise d’installations : malgré un quasi triplement de la puissance installée en 2021 (2,8 GW contre moins de 1 GW les années précédentes), il faudrait faire encore +50 % en 2022 et 2023. Cela semble hors de portée. Les installations au sol de forte puissance se taillent la part du lion, mais ce n’est pas sans soulever des interrogations, et peut-être demain des conflits, quant à l’usage des sols et à l’impact sur la biodiversité. C’est pourquoi il est essentiel de favoriser autant que faire se peut les systèmes de puissance moyenne (inférieure à 1 MW) sur bâtiment, sur ombrière ou au sol, qui présentent en outre l’intérêt de pouvoir être réalisés par des acteurs locaux, qu’il s’agisse des collectivités locales, des agriculteurs ou des groupes de citoyens.

Dans cette perspective, quel doit être le rôle des collectivités locales ?

Il est essentiel, en montrant l’exemple sur leur propre patrimoine, en recensant les opportunités publiques comme privées présentes sur leur territoire, en planifiant la mobilisation de ces dernières en lien avec le gestionnaire de réseau (Enedis dans 95 % des cas) ou en soutenant les initiatives de leurs administrés. Mais on manque cruellement de bras et de matière grise. Il y a un grand besoin de recruter et de former des agents, pour que des élus motivés trouvent du répondant dans les services. À cet égard, nous estimons que les créations de postes dans les communes ou intercommunalités consacrés à la transition énergétique devraient être considérés comme des investissements et non comme du fonctionnement, ce dernier étant bloqué par l’impossibilité d’augmenter les impôts. 

Ce sont en effet de véritables investissements qui rapportent : en créant des emplois et de l’activité, en faisant venir ou émerger des entreprises, en valorisant les richesses du territoire et en alimentant la fiscalité. Les Tepos (territoires à énergie positive, ndlr) font de la transition un véritable outil de développement : les revenus qu’ils tirent de la production solaire ou éolienne, qu’il s’agisse d’impôt, de loyer ou de dividendes, leur permettent de financer ici de la rénovation énergétique des bâtiments, là une bibliothèque, là une cantine scolaire, etc. Les grandes métropoles peuvent quant à elles accélérer le mouvement à travers les sociétés (sociétés d’économie mixte ou sociétés publiques locales, SPL) qu’elles peuvent créer plus facilement que les territoires ruraux. Je pense par exemple au quartier de la Confluence à Lyon, où plus de 3 MW équipent la totalité des bâtiments neufs via une obligation imposée aux opérateurs immobiliers par la SPL chargée de leur vendre le terrain. C’est évidemment plus compliqué sur l’existant, et on voit par exemple que la Métropole de Lyon peine à faire avancer le sujet dans les autres quartiers, en témoigne le récent appel à projets qui porte sur onze collèges seulement pour un territoire de plus d’un million et demi d’habitants : où l’on retombe sur le manque de moyens humains et probablement aussi sur une organisation peu adaptée.

Puisque cela rapporte, comment expliquer notre retard ?

Les procédures administratives sont trop complexes, et les parties prenantes sont loin d’être toutes entrées dans la culture de la transition. C’est notamment le cas des Architectes des bâtiments de France, mais aussi d’Enedis, qui a encore beaucoup de mal, en tant que délégataire de service public, à être proactive et facilitatrice. Mais les choses avancent peu à peu : le groupe de travail sur le raccordement mis en place par la Direction générale de l’énergie et du climat entre novembre 2021 et avril 2022, auquel Hespul a participé activement, a débouché sur des propositions consensuelles qui auront sans nul doute un effet structurel important dès qu’elles seront mises en place, comme la forfaitisation des coûts de raccordement. Espérons que le report du projet de loi sur l’accélération des énergies renouvelables que l’on attend avec impatience ne fera pas prendre trop de retard à cette mesure de bon sens qui va dans l’intérêt de tous, y compris Enedis.

https://www.hespul.org/fr/

Trente ans de combat

Hespul a été créée en 1991 sous le nom de Phébus pour réaliser l’année suivante la première installation photovoltaïque raccordée au réseau électrique en France à Lhuis (Ain). Spécialisée dans le déploiement de toits photovoltaïques jusqu’au début des années 2000, l’association a élargi son champ de compétences à toutes les énergies renouvelables et à la maîtrise de l’énergie en devenant Hespul. Elle a créé et anime depuis 2009, avec le soutien de l’Ademe, un centre de ressources sur le photovoltaïque (CRPV) qui permet à tout un chacun d’accéder à des informations techniques, juridiques et économiques via le site web https://www.photovoltaique.info/fr. Elle présentait en juin dernier sa vision idéale pour l’avenir de la filière en France.

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