Décryptage

Les communautés d’énergie se dotent d’un premier cadre réglementaire

Un décret relatif aux communautés d’énergie a été publié le 26 décembre 2023. Il précise notamment le critère de proximité géographique de leurs actionnaires et membres, ainsi que la notion d’autonomie des structures. Néanmoins, ce cadre est encore trop contraignant et pénalise les communautés n’intégrant pas uniquement des citoyens.

PAR ARNAUD WYART - AVRIL 2024
Les CER ont la possibilité de produire, consommer, stocker et vendre une énergie renouvelable, mais les consommateurs doivent se situer dans un rayon de quelques kilomètres autour de l’installation. ©Vattenfall

Deux directives européennes ont défini juridiquement les communautés d’énergie renouvelable (CER) et les communautés énergétiques citoyennes (CEC), mais leur transcription en droit français n’était pas achevée . Très attendu, le décret d’application de l’ordonnance du 3 mars 2021 (complétée par la loi relative à l’accélération des énergies renouvelables) établit une première étape dans la partie réglementaire du Code de l’énergie relative à ces communautés. Malgré un souhait de simplification, il s’avère être toutefois d’une grande complexité et les acteurs de la filière sont encore en train d’analyser ses impacts .

CER et CEC

Pour rappel, les CER ont la possibilité de produire, consommer, stocker et vendre une énergie renouvelable, mais les consommateurs doivent se situer dans un rayon de quelques kilomètres autour de l’installation (2, 10 ou 20 km selon la nature de la commune). Il s’agit de personnes morales dont les membres ou actionnaires peuvent être des personnes physiques, des PME autonomes, des collectivités ou leur groupement, des SEM, des associations ou des fonds d’entrepreneuriat social spécialisés dans les renouvelables. Les CEC sont similaires, mais elles ont également la possibilité de fournir d’autres services à leurs membres et actionnaires (recharge de véhicules électriques par exemple) et ces derniers peuvent être de tout type. En outre, ils ne sont pas limités géographiquement, à l’inverse des consommateurs. Concernant les CER, le critère de proximité des actionnaires et membres est primordial, mais n’avait pas encore été défini.

Le décret vient le préciser, en fonction de la nature des membres de cette communauté (personne physique, association, entreprise ou collectivité). « La limite géographique est fixée à l’échelle du département sur lequel est établie la CER et celle des départements limitrophes, hormis pour les collectivités », explique Marion Richard, responsable du pôle animation nationale chez Énergie Partagée. Dans le cas d’une commune, sur laquelle est implantée la CER, l’échelle de proximité est limitée à son territoire et celui des communes voisines. Pour les intercommunalités, elle est limitée au territoire de celle-ci et celui des intercommunalités limitrophes, etc. » Concernant les régions, en revanche, le critère de proximité est rempli si la CER est implantée sur le territoire de la région concernée. « Nous aurions souhaité moins de complexité », déclare Marion Richard.

Les communautés 100 % citoyennes privilégiées

En outre, le décret détermine les modalités portant sur l’autonomie des CER et des CEC (en termes de gouvernance), en particulier vis-à-vis des entreprises. « Les directives européennes prévoient leur autonomie », précise Marion Richard. « La définition française, elle, précise que cette autonomie doit s’entendre au sens de la définition en droit européen des PME autonomes, même si les communautés ne sont pas des entreprises comme les autres . »

Concrètement, cela signifie que les actionnaires ou les membres des communautés d’énergie ne peuvent pas détenir chacun plus de 25 % des droits de vote ou du capital. « On pourrait imaginer que cette contrainte va limiter l’emprise d’entités privées, mais de fait, elle va aussi limiter l’action des collectifs citoyens et des collectivités », tempère Marion Richard. Il est également indispensable que l’actionnariat, pour la prise de décision par vote, soit composé d’au moins deux catégories différentes (par exemple une collectivité et une entreprise), hormis s’il s’agit uniquement de personnes physiques.

Enfin, pour qu’une catégorie soit éligible au contrôle effectif (une notion clé pour les communautés d’énergie), elle doit d’une part détenir a minima 40 % des droits de vote cumulés – ce qui implique donc qu’elle comporte au moins deux actionnaires, ces derniers ne pouvant détenir chacun plus de 25 % des droits de vote (par exemple, deux communes dans la catégorie collectivités) – et aucune autre catégorie ne doit détenir directement ou indirectement (par exemple via les salariés d’une entreprise) une fraction supérieure à la sienne. « Il s’agit d’une énorme complexité. Finalement, il sera plus simple de créer une communauté d’énergie composée uniquement de citoyens, ce qui ne représente pas la diversité des acteurs de l’énergie citoyenne », affirme Marion Richard.

Bientôt une clause de revoyure ?

Selon Énergie Partagée, ces règles portant sur l’autonomie, qui finalement pénalisent les coopératives intégrant des personnes morales (entreprises, collectivités, etc.), résultent d’une réécriture trop rapide du texte de loi. « Les conséquences n’ont pas été totalement mesurées. Il y a eu une réécriture du texte dans un but entendable de simplification, suite à un avis du Conseil d’État, mais les parties prenantes n’y ont pas été associées. Nous n’avons pas pu alerter sur les risques », déclare Marion Richard.

Pour le moment, l’impact est minime, mais l’objectif consiste à ce que l’État soutienne le développement de coopératives mixtes (citoyens/entreprises/collectivité). « Si c’est le cas demain, mais que personne ne rentre dans les clous, cela posera tout de même un problème. On peut toutefois imaginer la possibilité d’une clause de revoyure à terme, une fois que nous aurons parfaitement analysé le texte ».

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