Décryptage
Les PPA long terme, l’exemple de Nantes
Nantes Métropole et Territoire d’énergie Loire-Atlantique ont lancé le premier power purchase agreement (PPA) public long terme, un contrat d’achat direct d’électricité renouvelable, impliquant un groupement de sept acheteurs publics et deux producteurs. Quels sont les enjeux juridiques de ces contrats pour les collectivités ?

La loi d’accélération des énergies renouvelables, dite loi Aper, l’a autorisé en mars 2023. Nantes Métropole et Territoire d’énergie Loire-Atlantique (TE44) ont franchi le pas au printemps 2025… Le temps pour elles de défricher le terrain des contrats d’achat public d’énergies renouvelables sur du long terme, et de structurer un groupement de commandes autour de sept collectivités*. Le PPA, ou Cader en français (contrat d’achat direct d’énergies renouvelables), signé par ces sept consommateurs publics d’énergie de Loire-Atlantique débutera au 1er janvier 2026 pour une durée de vingt ans.
Assurer ses arrières
Le marché a été attribué en janvier 2025 sous forme de deux lots revenant à deux producteurs différents, l’un pour de l’électricité d’origine éolienne, l’autre pour des électrons issus du photovoltaïque (lire encadré). Pour rappel, selon le Code de la commande publique, la durée d’un accord-cadre, dispositif utilisé par les collectivités pour l’achat d’énergie auprès des fournisseurs, ne peut excéder quatre ans. La loi Aper permet désormais aux pouvoirs adjudicateurs, dont font partie les collectivités, de signer des PPA long terme pour répondre à leurs besoins en électricité issue de sources renouvelables. Ces PPA ou Cader ont une durée définie « en tenant compte de la durée d’amortissement des installations » précise le Code de l’énergie. De plus, les collectivités ne sont pas tenues d’acquérir les installations.
Parmi les avantages d’un Cader pour les collectivités, Romain Buffet, chargé de missions achats groupés d’énergies électricité et gaz naturel de TE44, cite « la stabilité des coûts énergétiques avec la possibilité de verrouiller un tarif d’achat d’énergie sur plusieurs années, se prémunissant ainsi des fluctuations imprévisibles des marchés de l’énergie ». Cela concerne bien sûr la part d’électricité définie dans le cadre du PPA, soit ici près de 25 % de la consommation du groupement. Autre atout : accélérer la transition énergétique au niveau local. « Une collectivité locale peut ainsi mener une vraie stratégie d’achat couplée à une stratégie énergétique locale, et promouvoir des actifs de production renouvelables sur son territoire », indique Cécile Fontaine, cheffe du département affaires publiques et juridiques de la FNCCR.
Ancrer le projet dans le territoire
Pour autant, le caractère local des installations auxquelles sont adossés les PPA reste un sujet de débat entre juristes. « Dans le Code de la commande publique, s’il n’est pas possible de favoriser des acteurs locaux, nous pensons que définir dans le marché un lieu d’implantation de l’installation de production ne fausse pas nécessairement la concurrence et pourrait donc être autorisé », estime Cécile Fontaine.
« En l’état du droit, nous considérons qu’il n’était pas sécurisé juridiquement d’intégrer un critère local pour choisir l’opérateur. Sur le plan technique, il n’y a pas vraiment de justification puisque l’électricité transite par le réseau. Une possibilité serait que la collectivité mette un terrain à disposition et cherche un producteur pour y construire une installation renouvelable. Dans ce cas, tous les opérateurs seraient sur un pied d’égalité. Parmi les autres critères envisageables pour ancrer un projet dans un territoire, demander que celui-ci ait une gouvernance locale, ou que des actions de sensibilisation soient menées vis-à-vis du public », analyse Marianne Hauton, avocate au sein du cabinet Seban avocats, qui a accompagné les collectivités de Loire-Atlantique dans la mise en place de leur Cader.
Des contours encore flous
Parmi les autres enjeux juridiques : « l’articulation de ces contrats long terme avec les marchés de fourniture des compléments d’énergie, plafonnés à quatre ans », note Marianne Hauton, faisant référence au complément d’électricité à acheter pour couvrir la totalité de la consommation des clients du PPA. Ainsi que la mise en place d’une convention de groupements de commandes, comme c’est le cas pour celui présenté ici, les communes n’ayant pas forcément la capacité ou la consommation suffisante pour négocier seules avec un producteur d’électricité.
* Le groupement de commandes comprend sept consommateurs publics d’énergie, dont cinq collectivités : TE44, Nantes Métropole, la Ville de Nantes, Saint-Nazaire Agglo, la communauté de communes Estuaire et Sillon et deux Sociétés d’économie mixte (SEM) : la SEMMIN (Marché d’intérêt national Nantes Métropole) et la SEMITAN (réseau de transports publics de Nantes Métropole).
De l’éolien et du solaire pour 5 collectivités et 2 SEM
Deux lots ont été attribués par la commission d’appel d’offres de Nantes Métropole :
- Un lot à Valorem pour la totalité de la production d’une éolienne de 3,6 MW qui fait partie d’un parc de sept turbines mis en service fin 2024 à Rouans (44). Production prévue : 7,3 GWh par an.
- Un lot à la SEM EnR 44 (détenue à 72 % par le TE44) pour la totalité de la production d’une centrale photovoltaïque de 3,556 MW en service depuis fin 2018. Production en 2023 : 4,3 GWh.
La production des deux installations devrait couvrir un peu moins d’un quart des besoins du groupement, qui réunit sept membres* pour une consommation annuelle totale de 53 GWh sur environ 200 sites publics.