Décryptage
L’impact du règlement de l’UE sur l’accélération des renouvelables
Le 22 décembre 2022, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement 2022/2577 destiné à accélérer le déploiement des énergies renouvelables pour répondre à l’urgence provoquée par la crise d’approvisionnement énergétique due à la guerre russe en Ukraine. Des mesures facilitatrices temporaires mais à effet immédiat.
Par le ton de ses considérants politiques, qui éreintent en particulier la Russie et martèlent « l’urgence » et le caractère « exceptionnel » de la situation, ce règlement, à application immédiate, entre dans la catégorie des mesures de « guerre » – de l’énergie, pour l’occasion : déclaration d’intérêt public supérieur, dérogations, facilitations, etc. Ces mesures sont destinées à accélérer les projets renouvelables face au tarissement des approvisionnements en hydrocarbures russes.Ainsi, le règlement établit une présomption « d’intérêt public supérieur » (ainsi que pour la santé et la sécurité publiques) pour les projets renouvelables, avec caractère « prioritaire » lorsqu’il s’agira d’arbitrer les intérêts juridiques, dans chaque cas. Notamment en ce qui concerne la protection des espèces, mais sous réserve que « des mesures appropriées de conservation des espèces contribuant au maintien ou au rétablissement des populations d’espèces dans un état de conservation favorable sont prises et des ressources financières suffisantes ainsi que des espaces sont mis à disposition à cette fin ». Cet « intérêt supérieur » a été repris dans une expression à peu près similaire par la récente loi française d’accélération des renouvelables.
Mission : réduire les délais
La principale modalité actionnée par le règlement : une réduction du délai d’instruction des dossiers.
• Pour les installations solaires thermiques et photovoltaïques sur structure existante (et donc à l’exclusion des centrales au sol ou sur plan d’eau), les permis devront être octroyés sous trois mois maximum. C’est même automatique au bout d’un mois pour les projets de puissance inférieure à 50 kW, en cas de non-réponse de l’administration (sous réserve d’un capacité locale de raccordement suffisante). En cas de charges ou contraintes importantes, ce seuil de puissance pourra être abaissé, pourvu qu’il reste supérieur à 10,8 kW.
• Pour le rééquipement d’installations avec accroissement de puissance (repowering d’éoliennes ou de centrales solaires), le délai d’octroi des permis ne doit pas excéder six mois, étude environnementale comprise. Dans le cas où l’ajout de puissance ne dépasse pas 15 %, le délai d’octroi du permis de raccordement est limité à trois mois (sauf incompatibilité technique ou de sécurité). Et les évaluations environnementales seront limitées aux impacts « significatifs » de la modification, avec possibilité d’exemption pour les équipements solaires, s’ils ne consomment pas d’espace supplémentaire et restent conformes « aux mesures d’atténuation des incidences applicables aux installations d’origine ».
• Pour les pompes à chaleur, l’octroi du permis ne dépassera pas un mois pour une puissance inférieure à 50 MW, et trois mois s’il s’agit d’un modèle géothermique. Et s’il n’y a pas d’empêchement technique ou de sécurité, le permis est même automatiquement accordé, suite à sa notification à l’administration, pour les pompes à chaleur de 12 kW maximum. Un seuil porté à 50 kW pour un autoconsommateur, sous réserve que « la capacité de l’installation de production d’électricité renouvelable de l’autoconsommateur d’énergies renouvelables représente au moins 60 % de la capacité de la pompe à chaleur ».
Date limite
La validité de ce règlement est limitée à 18 mois à partir de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne (le 29-12-2022). Une clause autorise cependant sa prolongation par la Commission si la situation le nécessite. Raphaël Romi, professeur de droit émérite (1), identifie une vraie portée politique à ce règlement, et discerne, pour les législations nationales, la nécessité de s’adapter. Quant à son caractère « temporaire », la vigilance d’imposera pour qu’il ne glisse pas vers le « durable », ce qui pourrait à terme porter préjudice à la protection des espèces, au regard des dérogations environnementales octroyées.
(1) dans la revue Droit de l’Environnement n°319, mars 2023.