Stratégie
Objectifs climat : chiffrer n’est pas forcément renoncer
Alors que les exécutifs des collectivités locales seront réorganisés l’an prochain avec les élections municipales, I4CE, Institut de l’économie pour le climat, a choisi de sensibiliser les futurs décideurs à la cohérence entre leurs programmes et les moyens financiers du territoire, en leur suggérant, grâce à une méthodologie éprouvée et libre d’accès, d’aligner plan pluriannuel d’investissements et objectifs climatiques.
Lutter contre les changements climatiques peut signifier pour une collectivité locale se fixer des objectifs climat ou sectoriels (décarbonation, végétalisation, économies d’énergie, etc.) qui parfois découragent par leur ampleur et par l’importance des moyens financiers jugés a priori nécessaires comparés à ceux à sa disposition. Mais ce rapport objectifs-moyens n’est pas toujours objectivé, d’abord parce que la stratégie climat et la stratégie financière sont bien souvent opérées (quand elles le sont) indépendamment l’une de l’autre par des services différents. Ensuite parce qu’il est compliqué de chiffrer des investissements climat comme la rénovation du parc bâti, le développement d’aménagements cyclables ou la modernisation de l’éclairage public. Enfin, élaborer une véritable stratégie climat ou rédiger un plan pluriannuel d’investissement (PPI) ne sont pas des pratiques généralisées, quelle que soit la taille de la collectivité.
Programmer et financer
Une étude d’I4CE, institut de recherche à but non lucratif sur les politiques d’atténuation et d’adaptation, estimait l’an dernier « les besoins d’investissement des collectivités en faveur du climat dans les secteurs du bâtiment, des transports et de l’énergie […] à 11 Md€ d’investissements supplémentaires par an et en moyenne d’ici à 2030 par rapport à 2022 ». Où et comment agir ? L’institut a publié au début de l’été un début de réponse avec une Méthode pour construire son plan d’investissement aligné climat.
Co-construite avec Bordeaux Métropole, des experts en finances publiques et climatiques et les équipes climat et finances d’une dizaine d’autres collectivités locales comme Lyon, Paris, mais aussi Bourg-en-Bresse (01), Saint-Dizier (88) ou Suresnes (92), la méthode est utilisable par tout niveau et type de collectivité qui veut programmer et financer une politique publique favorable à la lutte contre le changement climatique, mais aussi d’adaptation (avec un cahier technique spécifique à venir).
Chiffrer pour agir
En accès libre, sous licence « Creative Commons » et financée par l’Union européenne, l’Ademe, la Fondation de France et la Fondation européenne pour le climat, la méthode se déroule en trois étapes : déterminer ses objectifs et actions climat ; chiffrer ses besoins ; programmer les opérations au PPI en cohérence avec la stratégie climat, ce qui peut aussi mener à des arbitrages en recettes ou dépenses.
Ces arbitrages ne sont pas défavorables à l’action, car les coûts ne sont pas toujours aussi importants qu’imaginés. Selon Marion Fetet, chercheuse à I4CE et coréalisatrice de l’étude, « chiffrer ne signifie pas forcément renoncer, car les dépenses d’investissement entraînent des économies – d’énergie par exemple – que le PPI peut prévoir. Et si les besoins globaux sont énormes, chaque territoire a ses spécificités économiques et sociales et ses besoins en investissement climat peuvent être plus ou moins importants, tout autant que ses capacités de financement : redirection de dépenses défavorables au climat, ressources propres, dette, dotations et subventions, mobilisation du secteur privé, etc. »
Quels financements ?
L’étude, qui se focalise également sur les dépenses induites, comme les besoins en ressources humaines ou les coûts d’exploitation, est utilement complétée par une étude publiée en septembre 2024 par I4CE : Panorama des financements climat des collectivités locales.