Décryptage
Obligation de solarisation : « sur le terrain, plus personne ne comprend rien !»
Sous couvert de « simplification », le législateur multiplie les dérogations aux obligations de solariser toitures et parkings. De quoi renforcer l’attentisme des obligés alors que le déploiement du solaire sur ces surfaces déjà artificialisées aurait dû être une priorité.

Introduites pour la première fois en 2016 avec la loi Biodiversité, les obligations de solariser/végétaliser certaines surfaces ont été renforcées lors du premier quinquennat Macron. Ainsi, depuis la loi Climat et résilience de 2021, les toitures de commerces, entrepôts et bureaux, nouvelles ou en rénovation lourde, doivent être solarisées/végétalisées sur au moins 30 % de leur surface. Un chiffre qui passera à 40 % au 1er juillet 2026, puis à 50 % à compter du 1er juillet 2027.
Quelles obligations pour les parkings ?
Le même article 101 de la loi Climat et résilience instaure des obligations pour les parkings de 500 m² et plus, neufs, en rénovation lourde ou lors du renouvellement de leur contrat de gestion. Ceux-ci doivent intégrer sur au moins 50 % de leur surface un dispositif d’ombrage végétalisé et/ou produisant de l’énergie renouvelable ainsi que des aménagements favorisant la perméabilité et l’infiltration des eaux pluviales. Plus récemment, en 2023, l’article 40 de la loi d’Accélération des énergies renouvelables (loi Aper) a introduit l’obligation pour les parkings de plus de 1 500 m2 (neufs et existants) de produire de l’énergie renouvelable sur au moins la moitié de leur surface, avec une échéance de mise en œuvre fixée au 1er juillet 2026 pour les parkings de 1 500 à 10 000 m², et juillet 2028 pour les parkings de plus de 10 000 m².
Opposition des obligés et détricotages en série
Saluées par les acteurs de la transition énergétique, ces obligations sont rapidement tombées dans le collimateur des obligés, en particulier des acteurs du commerce et de la distribution qui ont attaqué chacune d’entre elles devant le Conseil d’État (l’examen des recours contentieux est toujours en cours). Leur principal groupement d’intérêt, Perifem, a en outre mené un lobbying intense et efficace auprès de la nouvelle Assemblée nationale issue de la dissolution de juin 2024. Résultat : en l’espace d’un an, les parlementaires ont multiplié les assouplissements et les dérogations à ces obligations.
En avril dernier, une loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (Ddadue) a introduit près d’une dizaine de dérogations aux lois Climat et résilience et Aper, telles que la suppression de l’obligation de solariser/végétaliser lors du renouvellement d’un contrat de gestion. Plus récemment, en juillet dernier, la commission mixte paritaire (CMP) chargée de finaliser la proposition de loi de simplification du droit de l’urbanisme et du logement a largement réécrit l’article 40 de la loi Aper. Si l’adoption de la loi, prévue fin septembre à l’Assemblée, survit aux turbulences politiques de la rentrée, les parkings de plus de 1 500 m2 devront être ombragés sur la moitié de leur surface, dont au moins 35 % avec des panneaux solaires, soit une obligation de solariser réduite à 17,5 % de la surface totale, contre 50 % auparavant.
Un cadre réglementaire illisible
Enfin des parlementaires ont déjà promis de s’attaquer aux obligations de solariser les toitures au motif que la directive européenne sur la performance énergétique du bâtiment prévoit des obligations moins ambitieuses que la loi française. Dans l’intervalle, le cadre réglementaire encadrant les obligations de solarisation apparaît plus brouillon que jamais. « L’Association des maires de France regrette toujours la complexité de ce dispositif », explique un porte-parole. « On prétend simplifier mais on perd en clarté », regrette Alexis Longeau, juriste au sein de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR). « Tous les trois mois, ça bouge. Sur le terrain, plus personne ne comprend rien », confirme de son côté Franck Charton, de Perifem. La seule chose certaine à ce stade est l’impact assurément négatif de ces atermoiements sur le déploiement du solaire photovoltaïque.