Décryptage
Paris se lance à la conquête des toitures
Anne Hidalgo a posé cet été le premier panneau photovoltaïque de la « première centrale solaire citoyenne » de Paris, sur le toit du collège Georges-Brassens, dans le XIXe arrondissement. Le projet, porté par la coopérative Enercit’IF, répond à des besoins à la fois climatiques, mais aussi de participation citoyenne.
« L’initiative est partie d’un constat rationnel », explique Patrick Gèze, président de l’association Enercit’IF (qui est à l’origine de la coopérative du même nom), à l’occasion de la pose de ce premier panneau : il y a une urgence climatique, et, en tant que citoyen, il ne sert à rien d’attendre que les pouvoirs publics ou les entreprises agissent en premier.
C’est ainsi que l’association est née, il y a trois ans, avec un objectif clair, celui de créer une démarche citoyenne afin d’atteindre l’échelle nécessaire pour pouvoir développer une centrale électrique propre. Aujourd’hui, quelques mois après que la mairie de Paris a accordé à Enercit’IF le droit d’occuper des toitures publiques, la coopérative rassemble 250 membres, qui ont investi 130 000 € dans le projet (chaque part ayant une valeur de 100 €, avec une limite de 10 parts par personne). Au total, le projet a un coût d’un million d’euros, dont « 15 % d’épargne citoyenne », souligne Gilles Wintrebert, président de la coopérative.
À terme, neufs toitures publiques totalisant 3 000 m2 seront couvertes par 600 kW de panneaux photovoltaïques au cours des années 2019 et 2020, puis raccordées au réseau. La centrale du collège Georges-Brassens accueillera ainsi 120 panneaux sur 200 m2, pour une puissance de 36 kW. Toute l’électricité produite sera revendue à Enercoop, le fournisseur d’électricité renouvelable coopératif. Pour la mairie, c’est aussi un moyen de respecter les objectifs du nouveau plan climat de Paris en matière d’énergies renouvelables et de récupération (EnR&R) locales (voir encadré ci-dessous).
Une réappropriation de la question énergétique
Au-delà de l’aspect écologique du projet, les différents acteurs font valoir l’intérêt qu’il revêt pour l’inclusion et la participation des citoyens. Enercit’IF a ainsi bénéficié non seulement du concours de la ville de Paris, mais aussi de l’aide de Tener’IF (l’exploitant de la centrale de la halle Pajol), qui est entré au capital d’Enercit’IF, et de l’association Énergie partagée. Pour Patrick Gèze, il y a un enjeu de réappropriation de la question énergétique par les citoyens et la collectivité. L’ambition de ce projet est que le mouvement d’énergie citoyenne collective et la volonté politique du territoire se rencontrent, là où historiquement ce sont l’État et EDF qui ont le monopole de la question.
Les centrales citoyennes installées sur les toits d’établissements scolaires serviront non seulement à produire de l’énergie propre et locale, mais seront aussi des outils pédagogiques. Il est prévu que les collégiens profitent pleinement de ces installations pour en apprendre plus sur les questions du climat et de l’énergie à travers un exemple concret.
Ceci était également un des objectifs recherchés par Anne Hidalgo, maire de Paris. Celle-ci affirme l’importance de la réappropriation de la production de l’énergie à l’échelle du territoire, et a annoncé, à l’occasion de la pose du premier panneau sur le toit du collège Georges-Brassens, la création d’une académie du climat, qui serait gratuite pour les personnes âgées de 12 à 25 ans, et dont le but serait, à l’image des centrales d’Enercit’IF, de faire comprendre à tous les enjeux du climat et de l’énergie à travers des formations. Et Anne Hidalgo de conclure que, grâce à ces démarches diverses, « Paris est dans sa fonction historique qui est d’innover, de se projeter, et d’apporter des solutions ».
Les objectifs du plan climat de Paris
Le nouveau Plan climat-air-énergie de la ville de Paris (PCAET, ou plan climat) a été voté en novembre 2017, puis adopté en mars 2018. Il a pour ambition de donner des objectifs clairs aux horizons 2030 et 2050 en matière d’énergie, d’émissions de gaz à effet de serre et d’empreinte carbone. Il fait suite aux plans climat adoptés par la ville en 2007, puis en 2012. C’est le premier plan qui prend en compte les objectifs de l’accord de Paris, entré en vigueur en 2016. Les objectifs du plan sont les suivants :
- Un taux de 100 % d’énergies renouvelables et de récupération (EnR&R) dans la consommation finale d’énergie d’ici 2050, avec un palier de 45 % en 2030 (contre 17 % en 2014). Le plan prévoit également que la part de la production locale dans la consommation d’EnR&R atteigne 10 % en 2030 puis 20 % en 2050, cette part étant de 5 % en 2014.
- Parallèlement, une sortie du charbon et de la mobilité diesel d’ici 2024, et de la mobilité essence et du fioul domestique d’ici 2030.
- Une consommation d’énergie divisée par deux entre 2004 et 2050, avec un objectif intermédiaire de -35 % en 2030 (en 2014, la ville consommait déjà 23 % d’énergie en moins par rapport à 2004).
- La neutralité carbone en 2050, soit zéro émission intramuros de gaz à effet de serre à cet horizon (objectif de diminution par deux des émissions entre 2004 et 2030), et une diminution de l’empreinte carbone de 40 % en 2030, puis 80 % en 2050, par rapport à 2004 (la diminution observée en 2014 ayant été de 10 %).