Patrick Saultier accompagne les projets citoyens

L’accompagnement, Patrick Saultier l’expérimente depuis longtemps. Après ses études d’ingénieur et un passage en Allemagne à la fin de son cursus pour une spécialité énergie-environnement, il file au Tchad pour coordonner un projet autour de la gestion de l’eau, dans des territoires où les niveaux des nappes phréatiques baissaient. « Par l’animation, l’idée était que les habitants comprennent le cycle de l’eau et trouvent ainsi des solutions. Je me suis rendu compte qu’on pouvait mener des projets significatifs de cette manière, en animant et en discutant », explique-t-il. De retour en France, il occupe des postes de conducteur de travaux, puis de maître d’œuvre VRD (voirie et réseaux divers) et s’installe à Plélan-le-Grand (Ille-et-Vilaine). « En 2001, je suis élu à la municipalité, adjoint à l’urbanisme. On parlait alors peu des éoliennes, mais je m’intéressais à l’exemple danois : 20 % de l’électricité était alors produite par l’éolien, et 85 % des machines appartenaient à la population. »

Il propose une première réunion à la mairie pour impulser le sujet des énergies renouvelables, puis réunit très vite une douzaine d’habitants qui décident de se lancer. « C’était en dehors de ma fonction d’élu, la commune n’est pas intervenue, si ce n’est par le financement d’une étude de faisabilité, que nous avons remboursée ensuite », se souvient-il. Le groupe crée une société, Brocéliande énergies locales, investit 84 000 euros sur ses propres deniers et développera lui-même le projet. Lors de la construction, un industriel viendra compléter le capital, le groupe initial conservant une minorité de blocage et la gestion du site. Fin 2008, 6 éoliennes (pour une puissance de 12 MW) sortent de terre. « Un délai plutôt rapide par rapport à beaucoup de projets. Le fait de proposer une participation réelle a fonctionné. » Pour mener à bien ce parc, la petite équipe s’est réunie toutes les semaines pendant près d’un an, surtout pour discuter de sujets non techniques – les questions foncières, (l’accord avec les propriétaires, par exemple), les explications avec les riverains… –, tout en coordonnant la dizaine de prestataires intervenus sur le projet.

À Sein, bataille contre EDF

Aujourd’hui, Patrick Saultier accompagne, via sa société Saultier énergies développement créée en 2007, les habitants de l’île de Sein (Finistère) et l’affaire est plus ardue. « L’objectif est simple.: arrêter le fioul qui alimente l’île – non connectée au réseau du continent –, et passer au 100 % renouvelable, via de l’hydrolien, du solaire et peut-être de l’éolien », développe-t-il. Pour cela, il a accompagné les habitants à travailler d’abord sur les besoins (1,5 million de kWh annuels) pour définir les moyens. Une société avec gouvernance locale a été créée : elle rassemble 40 îliens et 60 associés (habitants en dehors de Sein). « Mais la société est aujourd’hui en bataille contre EDF, qui ne veut pas lâcher la concession et le pilotage du réseau. Ce pilotage est indispensable pour réussir une transition énergétique, peu chère et globale. Nous nous apprêtons donc à porter l’affaire devant la Cour européenne. »

À Plélan, la situation est plus favorable et Patrick Saultier est en train de lancer un autre projet de parc éolien avec les habitants. « Il faut s’appuyer sur les richesses et compétences locales, en proposant une réelle participation aux citoyens, pas seulement intervenir quand tout est déjà ficelé, comme on le voit souvent ! C’est ainsi que se mènera la transition énergétique. »