Le tour de la question
Produire du gaz avec les eaux usées
Grand Chambéry fait partie des territoires pionniers en matière de valorisation des boues d’épuration sous forme de biogaz. En cours de construction sur l’usine de dépollution des eaux usées de l’agglomération, une nouvelle unité de traitement permettra, dès 2023, d’injecter annuellement jusqu’à 9 GW/h de biométhane dans le réseau.
Dans l’agglomération du Grand Chambéry, l’usine de dépollution des eaux usées (Udep) sera prochainement équipée d’une nouvelle unité de traitement et de valorisation du biogaz. Le traitement des eaux usées génère en effet des boues contenant encore une grande part de matières organiques pouvant être valorisées sous forme de biogaz. S’inscrivant dans le cadre du PCAET (plan climat air énergie territorial) du Grand Chambéry, le projet a nécessité plus de deux ans d’études et un budget total de 3 millions d’euros (subventionné à hauteur de 1,38 millions d’euros par l’Agence de l’eau dans le cadre du plan France relance).
Il s’agira de la première station d’épuration injectant du biométhane en Savoie et de la 26e en France. « À l’origine, la collectivité disposait d’un système mixte permettant d’assouvir les besoins énergétiques de la méthanisation et de valoriser le biogaz en électricité, via une unité de cogénération. Suite à une évolution réglementaire donnant lieu à un tarif d’achat dédié avantageux, le Grand Chambéry a décidé de remplacer la cogénération par une unité de traitement et d’injection du biométhane. Le retour sur investissement interviendra au bout de trois à quatre ans », explique Marie Cabel, cheffe de projet eau et assainissement à la direction des eaux du Grand Chambéry.
En termes de fonctionnement, les boues (extraites à diverses étapes de la filière eau) sont d’abord épaissies sur des tambours avant de passer dans les digesteurs, en service depuis 2013. Elles sont ensuite déshydratées par des centrifugeuses, puis dirigées vers le syndicat mixte de traitement des déchets Savoie Déchets afin d’être incinérées. L’eau retirée retourne quant à elle en tête de station pour traitement et le gaz produit est stocké dans un gazomètre. Le projet permettra alors à celui-ci de subir plusieurs nouvelles étapes afin d’atteindre une qualité correspondant au strict cahier des charges de GRDF : séchage, surpression, filtration sur filtres à charbons, compression et purification via des systèmes de filtration membranaire. Une fois conforme, il pourra être odorisé et injecté dans le réseau. Les travaux ont commencé en début d’année et la mise en service est prévue pour 2023. L’unité permettra, dans un premier temps, d’injecter 100 Nm3/h de biométhane, ce qui équivaut à la consommation moyenne de 36 bus ou 2 250 logements.
Augmenter la production
En matière d’intrants (graisses et boues), l’Udep n’est pour le moment autorisée à n’utiliser que les boues qu’elle génère. Toutefois, elle pourrait bénéficier d’autres types de gisements à l’avenir. D’un point de vue économique, seules les grosses stations de traitement comme celle du Grand Chambéry sont en effet capables de produire du biométhane à partir de boues. « Notre objectif consiste à pouvoir accueillir des intrants provenant d’autres stations d’épuration, ce qui nous permettrait d’utiliser nos digesteurs à leur pleine capacité et de produire un maximum de biogaz. Pour cela, une étude réglementaire est nécessaire au regard du caractère ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement, ndlr) du site. Une fois notre dossier finalisé, nous le transmettrons à la Dreal (direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement, ndlr) pour obtenir les autorisations », précise Marie Cabel.
En outre, un schéma départemental de gestion et de valorisation des boues est en cours d’élaboration par le Conseil départemental 73. Cette étude permettra de proposer différentes orientations concernant la gestion et la valorisation des boues : à court terme pour répondre à la gestion de crise (liée au contexte sanitaire Covid), et à moyen-long terme pour proposer des filières durables. « Les principaux enjeux résident dans la recherche de nouvelles filières réglementaires et pérennes, en optimisant les équipements existants, mais également en essayant de mutualiser les projets entre collectivités, dans une logique d’économie circulaire », ajoute Marie Cabel.
De leur côté, les élus louent l’opération. « Il s’agit d’une solution vertueuse. L’intégration se fait dans une structure existante et le projet permet de répondre à hauteur de 3 % aux objectifs du PCAET, notamment en termes de réduction des déchets à traiter et de valorisation d’une énergie locale. Les revenus dégagés permettront quant à eux de financer d’autres projets de développement durable du Grand Chambéry », indique Marie Cabel.