Initiatives

Quand la mobilité électrique entre vraiment en campagne

Dans l’Aude, un petit village isolé s’est doté d’un véhicule électrique communal en auto-partage. La recette du succès ? Un groupe de citoyens motivés, un maire engagé dans les énergies renouvelables, le déploiement de bornes de recharge publiques… et des financements de l’Europe !

PAR FRANCK TURLAN - MARS 2019
Philippe Brulé, le maire, Olivier Fouquet et Jean-Robert Croquet, deux citoyens de la commune (de g. à d.), sous l’ombrière photovoltaïque qui alimente la borne de recharge publique. @ Franck Turlan

Son château médiéval a vu mourir Bélibaste, le dernier Cathare. Mais son initiative de véhicule électrique communal en auto-partage illustre sa volonté de s’ancrer dans le XXIe siècle et de répondre aux défis contemporains. Villerouge-Termenès, modeste village audois de 140 habitants, au cœur des Corbières, est situé dans un de ces “déserts français” : densité de population proche du Canada, petits commerces à 15 km aller-retour, moyennes surfaces et centre de soins à 50 km… La question de la mobilité est ici vitale, surtout pour une population où coexistent des jeunes aux revenus modestes, parfois dépourvus de tout véhicule, et des personnes âgées qui peinent à conduire.

Une voiture électrique en auto-partage

Le déclic ? L’inauguration en 2017 d’une borne de recharge électrique pour véhicules, Villerouge étant un “site pôle du Pays Cathare”, avec son château qui attire chaque année près de 15 000 visiteurs. « À quelques-uns, on avait déjà la vague idée d’avoir un véhicule en auto-partage, pour faire l’économie d’un véhicule par famille», indique Jean-Robert Croquet, l’un des citoyens à l’origine du projet. « Ici, on a souvent trois voitures par foyer : deux pour se déplacer, une pour aller à la vigne, transporter du bois… ou une chèvre. » La perspective de pouvoir recharger gratuitement un véhicule électrique sur la borne publique a incité le groupe de citoyens à préciser leur projet… qui a rencontré l’intérêt du maire, Philippe Brulé.

Celui-ci a proposé de concrétiser l’idée “privée” en réalisation communale publique. « Je constatais que la borne de recharge était presque toujours sans véhicule branché. Il y avait donc la place pour mettre à disposition de tous les habitants un moyen de locomotion non polluant, à un coût socialement abordable, pour des déplacements de courte durée ». Et si l’approche est sociale avant d’être énergétique, le maire assure que le projet ne se serait pas fait avec une voiture fonctionnant au pétrole, question de “valeurs” pour le conseil municipal.

L’échelon communal privilégié

La suite s’est enclenchée rapidement, avec le soutien financier des collectivités, pour investir dans une Renault Zoé électrique, mise en service à l’été 2018. Le taux d’aide publique de 80 % permet à la commune d’avoir un reste à charge qui n’entrave pas son budget : seulement 1000 € sur le fonctionnement annuel (lire encadré). « Sans un fort niveau de subvention, ce n’est pour l’instant pas jouable pour une petite commune », prévient Philippe Brulé. Il souligne le rôle capital de l’Europe dans le financement de ce projet. Et son caractère facilement reproductible à un niveau communal : « c’est le bon niveau pour que la population s’approprie le projet et qu’il soit adapté au plus près des besoins », estime-t-il, sans nier pour autant l’intérêt d’une vision intercommunale.

Le maire espère une baisse du prix des véhicules électriques dans un avenir proche, pour aller plus loin encore, sachant que les subventions iront à d’autres communes. Car le succès est bien supérieur aux prévisions : une vingtaine de foyers ont déjà recours régulièrement au service, représentant le quart de la population. « On avait un objectif de cinq demi-journées de location par semaine pour équilibrer l’opération ; nous en sommes déjà à neuf demi-journées. C’est le seul véritable problème rencontré jusqu’ici : le succès des réservations, qui oblige les gens à planifier une semaine à l’avance. »

Réduire les voitures au village

Pour Olivier Fouquet, autre citoyen à l’origine du projet, c’est bien le signe qu’un tel véhicule communal, au coût limité pour l’usager, « est une solution aux frais de déplacement que tout le monde encaisse difficilement ». Il espère un second véhicule électrique, pour pouvoir se passer de son second véhicule personnel, son objectif initial. « Si on arrive à supprimer des voitures au village, ça aura un sens au niveau écologique », ajoute-t-il, tout en émettant des réserves sur les modalités d’utilisation du véhicule électrique : ce dernier est aujourd’hui utilisé individuellement, et non en covoiturage, ce qui limite son impact écologique… quand bien même il est en auto-partage et alimenté par une borne de recharge à énergie solaire.

Mode d’emploi

La mairie a créé une commission extra-municipale qui a défini les détails pratiques. Elle s’est réunie deux fois en un an. Ainsi a-t-elle décidé des tarifs d’utilisation : abonnement annuel de 25 €, 6 € la demi-journée pour un habitant du village, 15 € pour les autres particuliers, gratuit pour le personnel communal et les conseillers dans le cadre de leurs fonctions ; pas plus d’une journée de réservation consécutive. La mairie a confié la gestion des réservations à une plateforme Internet (Clem’). La commission planche aujourd’hui sur la façon d’améliorer le covoiturage dans le véhicule.

Plan de financement

L’investissement total est de près de 29 000 € HT, financé à 64 % par l’Europe (Fonds européen agricole pour le développement rural, Feader), 14 % par la région Occitanie et 20 % par la commune. Le coût de fonctionnement sur trois ans, estimé à près de 18 000 €, est pris en charge à 64 % par l’Europe, 16 % par le Département de l’Aude et 20 % par la commune (qui intègre la participation financière des usagers).

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