Entretien
Quel impact du nouvel arrêté tarifaire photovoltaïque pour les collectivités ?
Analyse des nouveaux tarifs photovoltaïques avec Lionel Guy, chef du département adjoint pour l’énergie, chargé du pilotage technique dédié à la transition énergétique pour la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR).

Le nouvel arrêté tarifaire du 26/03/2025 vient modifier le dispositif S21 qui encadrait les conditions d’achat de la production photovoltaïque pour les petites et moyennes installations jusqu’à 500 kW. Quelles sont les modifications principales ?
Lionel Guy : Pour les installations d’une puissance de 9 à 100 kW, l’État applique désormais une grosse formule de dégressivité sur le principe suivant : plus il y aura de volumes de projets sur un trimestre [projets pour lesquels la demande complète de raccordement a été déposée sur cette période, ndlr], plus les tarifs vont baisser lors du trimestre suivant. Cela amène une forte incertitude sur les modèles économiques, car on commence à développer un projet souvent six à huit mois avant d’en faire la demande de raccordement. Dans le cadre du S21, le tarif diminuait aussi chaque trimestre, mais selon une pente faible que l’on pouvait anticiper. Ce n’est plus le cas. Une collectivité ne va pas forcément prendre le risque d’un développement à l’aveugle.
De plus, il risque d’y avoir énormément de projets sur ce segment entre le 1er avril et le 30 juin 2025, d’une part pour bénéficier du tarif pour ce second trimestre (fixé à 12,95 c€/kWh pour les installations comprises entre 9 et 36 kW et à 11,26 c€/kWh pour celles de plus de 36 kW jusqu’à 100 kW [voir tous les tarifs]. D’autre part, parce qu’un certain nombre de projets supérieurs à 100 kW vont se transformer en projets de moins de 100 kW pour profiter de ce tarif. Cela va donc augmenter les volumes, et par conséquent le coefficient de dégressivité du tarif d’achat pour le 3e trimestre.
Qu’en est-il de la tranche 100-500 kW ?
LG : Le dispositif du guichet ouvert cessera bientôt de concerner le segment 100-500 kW. En effet, il est prévu que les installations d’une puissance strictement supérieure à 100 kW et inférieure ou égale à 500 kW soient soumises à une procédure d’appel d’offres simplifié. Nous ne savons pas à partir de quelle date. En attendant, les projets de cette tranche de puissance bénéficient d’un tarif de 95 €/MWh jusqu’au 30 juin 2025. Après, soit ils bénéficieront d’un nouveau tarif sur le 3e trimestre, mais qui va encore baisser sans qu’on sache de combien, soit ils passeront en procédure de mise en concurrence.
De plus, la tranche 100-500 kW est désormais soumise – sauf pour les collectivités –, au dépôt d’une garantie de 10 000 € [lors de la demande de contrat d’achat, effectuée en même temps que la demande de raccordement, ndlr]. Cela va augmenter le nombre de projets supérieurs à 100 kW, qui vont basculer sur le segment 9-100 kW. La FNCCR se félicite que les collectivités n’aient pas de caution à verser, ce qu’elle avait demandé au gouvernement. En effet, lorsque les collectivités prennent une délibération, elles s’engagent à aller jusqu’au bout du projet. En revanche, les sociétés d’économie mixte (SEM) à capitaux majoritairement publics vont être soumises à cette caution.
Quelles sont les conséquences de ces modifications pour les collectivités locales ?
LG : Tous ces éléments créent de l’incertitude. Le nombre de projets va se réduire en général, ce qui est la volonté de l’État. Mais nous craignons un fort ralentissement des projets portés par la sphère publique. Si le modèle économique n’est pas sûr, les collectivités ne se lanceront pas. Les banques aussi vont regarder les projets autrement, et peut-être durcir les conditions de prêt. Un de nos adhérents, un syndicat du centre de la France, a fait une simulation avec le nouveau tarif de 95 €/MWh pour des projets orientés plein sud à 30°. Ses projets en toiture entre 100 et 300 kW ne sont plus rentables, alors qu’ils l’étaient encore avec le tarif de 105 €/MWh (en vigueur du 1er novembre 2024 au 31 janvier 2025). Et jusqu’à 1 MW, plus aucun de ses projets en ombrière n’est rentable.
Par ailleurs, une partie des collectivités va se retrouver soumise à une injonction paradoxale. Elles ont l’obligation de solariser les toitures et les parkings au-delà d’une certaine surface, tout en étant dans l’impossibilité économique d’y répondre. Vont-elles être obligées de remplir des dossiers d’exemption économique pour le prouver ? Ceci dit, d’autres acteurs publics vont continuer à développer des projets, en signant des contrats d’achat direct ou en maximisant les boucles d’autoconsommation. Certaines SEM pourront aussi répondre aux appels d’offres simplifiés. Tout ne va pas s’arrêter non plus.
Régime sec pour le résidentiel
Les installations d’une puissance de 0 à 9 kW, qui concernent surtout les acteurs résidentiels, ne pourront désormais plus conclure de contrat de vente totale de leur production photovoltaïque mais seulement un contrat d’autoconsommation avec vente de surplus, qui devenait de toute façon systématique sur ce segment. En revanche, le tarif d’achat du surplus de production passe à 4 c€/kWh, contre 12,69 c€/kWh auparavant, soit trois fois moins. Cela va provoquer une baisse d’activité pour les petits électriciens et installateurs, alors que beaucoup se sont formés suite à la forte demande de ces dernières années.
De plus, la nouvelle loi de finances a prévu une TVA réduite sur les installations photovoltaïques en autoconsommation jusqu’à 9 kW, mais cette disposition ne s’appliquera qu’à partir du 1er octobre 2025, sans que l’on sache à ce stade les conditions pour en bénéficier. Cela risque d’aggraver le creux d’activité des installateurs jusqu’à cette date, voire d’engendrer la disparition d’entreprises.