Décryptage
Réseaux de chaleur : délégation de service public mutualisée en zone rurale
Trois communes rurales bretonnes ont décidé de mutualiser la concession de leur réseau de chaleur bois respectif, afin de trouver un énergéticien intéressé pour les construire. Et in fine, réduire les coûts pour les abonnés.
Il était une fois en Bretagne, au sein d’une communauté de communes aux consonances légendaires, Roche aux fées communauté. Sise dans un paysage de bocages au sud-est de Rennes, elle tenait à réduire ses émissions de gaz à effet de serre en profitant de ses ressources en plaquettes forestières. Un premier réseau de chaleur bois naquit à Janzé en 2014, confié en délégation de service public (DSP) aux bons soins de l’entreprise Nass&Wind. « Nos petites communes n’ont pas les moyens financiers de porter un tel investissement, ni les moyens internes de gérer en régie ces équipements qui requièrent de la technicité », explique Thierry Restif, vice-président en charge de la transition énergétique de Roche aux fées communauté. Quelques années plus tard, c’est aussi dans le cadre d’une DSP que trois autres communes ont souhaité construire chacune leur propre réseau de chaleur bois : Coësmes (1 500 hab.), Martigné-Ferchaud (2 600 hab.) et Retiers (4 500 hab.) L’objectif était d’alimenter en majorité des établissements publics : Ehpad, collège, lycée, écoles primaires, salle de sport, salle polyvalente… Mais il y avait un obstacle. Chaque commune se sentait trop insignifiante pour intéresser un prince de l’énergie. Leur vint alors une idée : et si elles unissaient leurs charmes ? « Nous avons alors décidé de lancer une seule DSP sur les trois réseaux de chaleur en même temps. Chaque ville a sa propre chaufferie et son propre réseau, mais ils font partie du même projet » raconte Thierry Restif, également maire de Retiers. Cette fois encore, Nass&Wind a été retenu pour construire et gérer les trois réseaux.
Coûts mutualisés
Lors d’un webinaire organisé par la FNCCR le 10 mars 2022, l’élu de Roche aux fées communauté a mis en avant les intérêts de cette mutualisation. Le premier porte sur le prix, jugé « relativement faible au regard de la taille des réseaux », selon Thierry Restif. L’entreprise a en effet mutualisé certains coûts de construction et de maintenance, les équipements étant à moins d’une dizaine de km les uns des autres. Autre avantage pour les abonnés, ils bénéficient d’un niveau de service et d’un tarif uniforme, quel que soit le réseau dont ils dépendent. « Chaque abonné paie le même prix au MWh pour sa consommation. Et le coût d’abonnement est basé sur des critères identiques pour tous. Si les réseaux avaient été gérés séparément, les coûts auraient pu être différents », souligne l’élu. En 2021, le prix de la chaleur fourni par les trois réseaux avoisinait 90 € le MWh. Selon une étude de 2021 (1), le chauffage et l’eau chaude sanitaire fournis par un réseau de chaleur dans un logement bien isolé (niveau RT2012) coûtent de 685 à 731 € par an, contre 1 032 € avec une chaudière individuelle à gaz à condensation (valeurs pour 2019). Enfin, la communauté de communes a pu imposer des conditions identiques à chaque réseau dans son cahier des charges, en particulier l’approvisionnement en bois bocager local à 50 %. « La mutualisation d’un contrat de concession est une piste à utiliser en milieu rural. L’échelle de l’intercommunalité est intéressante, car lancer une procédure comme une DSP et suivre un réseau de chaleur, c’est assez lourd pour une petite commune », conclut Thierry Restif.
(1) « Comparaison économique des modes de chauffage en 2019 » (RCE37), Amorce, 12 mai 2021
Les trois réseaux de chaleur en chiffres
- Investissement total : 3,5 M€ dont 1,6 M€ de subventions (Fonds chaleur de l’Ademe et Plan bois énergie Bretagne) ;
- Concession de 25 ans avec la société dédiée Nemora, par Nass&Wind énergie verte ;
- Coësmes : 330 kW, 423 mètres linéaires (ml) de réseau, 5 sous-stations, mise en service à l’automne 2019 ;
- Martigné-Ferchaud : 2 x 330 kW, 792 ml de réseau, 7 sous-stations ; mise en service en octobre 2020 ;
- Retiers : 2 x 630 kW, 1125 ml de réseau, 7 sous-stations ; mise en service en octobre 2020 ;
- Applications : chaleur et eau chaude sanitaire en hiver (en été, les besoins en chaleur ne sont pas suffisants au regard de la puissance des chaudières). Les précédents systèmes de chacun des établissements concernés (en majorité de vieilles chaudières au fioul) ont été laissés pour assurer un secours en énergie notamment dans les Ehpad. Ils prennent le relais en été ou en cas de panne du réseau de chaleur bois.