Initiatives
Un projet de méthaniseur pour valoriser les effluents de culture
Épaulée par Séolis Prod et Naskeo, la coopérative Entente agricole construit actuellement une unité de méthanisation à Melle, dans les Deux-Sèvres.
Lancé en 2011, ce projet de biogaz a été imaginé par la coopérative Entente agricole (CEA) afin de répondre à une problématique locale : le classement de zones en périmètres de captage afin de lutter contre la pollution de l’eau potable. « Dans le département des Deux-Sèvres, les contraintes imposées aux agriculteurs risquaient de déstabiliser les éleveurs. La coopérative a donc décidé de faire quelque chose pour réduire le lessivage des sols et maintenir leur fertilité autour de Melle », explique Jacques Maroteix, président de la coopérative. L’idée consistait à traiter le fumier et le lisier pour produire du gaz, mais également à rendre aux agriculteurs de l’engrais naturel (le digestat) pour qu’ils puissent le répandre sur leurs terrains via un plan fumure suivi par la chambre d’agriculture. La CEA a donc commencé par signer des contrats avec une vingtaine d’éleveurs (adhérents ou non) officiant dans un rayon de 10 km autour de Melle, puis elle s’est engagée dans la fastidieuse phase administrative. Si l’autorisation des installations n’a pas posé de problème, le permis de construire, lui, a été difficile à obtenir. « Le permis a été attaqué au tribunal administratif par une association de Melle qui protège les citoyens. Celle-ci avait des doutes au niveau des odeurs émises, pourtant, la coopérative s’est engagée à les traiter. Finalement, nous avons eu gain de cause, mais la procédure a duré deux ans. »
34 000 tonnes traitées par an
Afin de porter le projet, la SAS Méth’Innov a été créée en 2013. En ce qui concerne le montage financier, la coopérative a estimé que le coût du projet (8,5 millions d’euros) était trop élevé pour qu’elle le prenne en charge seule. Le capital de Méth’Innov a donc été ouvert à d’autres entreprises en 2019 : le fournisseur d’électricité et de gaz Séolis Prod et Naskeo, qui construit le méthaniseur. Les subventions, elles, se montent à environ 2 millions d’euros (980 000 pour la région Nouvelle-Aquitaine, 600 000 euros pour l’Ademe et 400 000 euros pour l’Agence de l’eau). De leur coté, les agriculteurs engagés dans l’aventure sont très enthousiastes. «.Ils sont actionnaires à hauteur de 5 % et ils attendent avec impatience la mise en service. En tant qu’éleveurs, ils sont contraints par la directive nitrates et les programmes d’action mis en place en France qui leur imposent des stockages importants pour les effluents. Au lieu d’investir, ils préfèrent nous laisser traiter leur fumier, gérer le stockage du digestat et l’épandage ». En termes de capacité, l’unité de méthanisation (2 digesteurs et un maturateur) traitera 34 000 tonnes de fumier/lisier par an et elle injectera 200 m3 de gaz/heure dans le réseau GRDF (pour un total de 1 800 000 m3 annuels). En outre, 5 emplois directs seront créés, dont certains qualifiés. De bon augure en zone rurale.
Une viabilité économique incertaine
Soutenu par la région et l’Ademe, ce modèle de méthanisation est parfaitement reproductible, d’autant que les acteurs locaux s’y retrouvent. Pourtant, Jacques Maroteix exprime une crainte vis-à-vis du gouvernement. « Il faut que celui-ci mette en accord ses discours et ses actes. Au nom du principe de précaution, il estime qu’un risque sanitaire existe, même si nous refusons toujours les effluents en cas de problème sanitaire au niveau de l’élevage. Cela signifie pour nous la mise en place d’une unité d’hygiénisation coûteuse. En même temps, le gouvernement souhaite diminuer le tarif d’achat du gaz, mais s’il continue dans cette voie, ça sera la fin de la méthanisation des effluents d’élevage, les projets n’étant plus du tout intéressants économiquement », rappelle-t-il. Démarré il y a un an, le chantier de Melle arrivera à terme en juin 2020.