Le tour de la question
Un Tepos sinon rien
Après dix ans d’action pour amorcer sa transition énergétique, la communauté de communes d’Au Pays de la Roche aux Fées travaille à l’élaboration de son projet « Objectif territoire à énergie positive ». Une nouvelle étape qui passe, notamment, par la mobilisation des acteurs économiques, des agriculteurs aux transporteurs, et des citoyens.
Les 16 communes qui composent la communauté de communes d’Au Pays de la Roche aux Fées – nom d’un mégalithe local – s’étendent sur un paysage bocager de 375 km² aux portes de la Bretagne. Voilà dix ans que ce territoire de 26 000 habitants a mis en place une action environnementale d’envergure, en coopération avec les partenaires du territoire. Une téléconférence organisée le 3 juillet par le réseau Tepos, en partenariat avec Territoires Conseils de la Caisse des dépôts et le Réseau pour la transition énergétique (Cler), donnait la parole à Thierry Restif, son vice-président en charge de l’environnement et des énergies, par ailleurs maire de Retiers, et Sébastien Benoist, responsable Énergie-environnement de la communauté de communes.
Les territoires à énergie positive visent l’objectif de couvrir leurs besoins énergétiques, en les réduisant au maximum, par les énergies renouvelables locales. Ils intègrent la question de l’énergie dans un engagement politique, stratégique et systémique en faveur du développement local. C’est dans ce cadre que la communauté de communes, à l’occasion de la réalisation de son plan Climat air énergie territorial, souhaite écrire une nouvelle étape de sa transition énergétique. « Cela s’est fait progressivement, explique Thierry Restif. Nous avons démarré en 2008, notamment sur le bois énergie et avec un projet de rénovation de l’habitat assez ambitieux et des aides conséquentes de la communauté de communes. L’objectif, en premier lieu, était de répondre à des enjeux sociaux et à une logique de revitalisation des centres-bourgs dans ce territoire en développement démographique ». En tout, 800 logements ont ainsi été rénovés depuis 2010, avec 38 % d’économie d’énergie en moyenne.
Une décennie pour amorcer la transition énergétique
« Nous nous sommes basés avant tout sur des actions pragmatiques et simples à mettre en place », poursuit Sébastien Benoist. Les premiers projets ne passent donc pas par les cases diagnostic, concertation, grands axes et orientations. « Nous sommes partis des actions les plus évidentes pour conduire progressivement une stratégie calibrée et écrite au fur et à mesure », précise le responsable Énergie-environnement. La communauté de communes s’est depuis doté d’une plateforme habitat et propose, pour le bâti public, des conseils en matière d’énergies partagées et d’aides directes aux communes. La palette des projets portés par le Pays de la Roche aux Fées s’est depuis bien élargie. Sur le bois-énergie, par exemple, l’objectif est de faire émerger une filière bois bocage locale, avec l’appui d’un collectif à l’échelle départementale (Collectif bois bocage 35), mais aussi des coopératives d’utilisation de matériel agricole (Cuma). Trois réseaux de chaleur sont en développement (1,9 MW bois en tout, en délégation de service public) et s’ajouteront au réseau existant (1,1 MW bois), sachant qu’ils se sont engagés à utiliser un maximum de bois bocager issu de la filière agricole locale. « Nous intégrons un prix du bois suffisant pour intégrer du bois bocager », souligne Thierry Restif.
Mieux, depuis une dizaine d’années, la communauté de communes anime et pilote un programme de replantation, avec un objectif de maintien de la ressource bois et, plus globalement, avec le programme Breizh Bocage de sauvegarde de tous les bénéfices du bocage (qualité de l’eau, biodiversité, érosion, etc.). Une autre piste pour la filière est étudiée autour du stockage carbone (projet Carbocage, développé avec la Chambre d’agriculture et trois autres territoires). Il s’agit de stocker du carbone dans les haies, en imaginant la mise en place d’un marché carbone sur le territoire entre les agriculteurs et des structures (entreprises ou collectivités) qui souhaitent compenser leur empreinte résiduelle.
Réseau de gaz, mobilité… les autres pistes de réflexion
Pour l’éolien, après un premier parc en 2011, un nouveau vient d’être mis en service pour une puissance totale actuelle de 29,5 MW. Deux parcs sont actuellement en développement et le permis de l’un est en cour d’instruction dans le cadre d’un projet participatif (167 investisseurs, la communauté de communes participera à la phase d’investissements). L’accent est également mis sur la méthanisation agricole et territoriale. Deux unités agricoles (400 kWe) et une unité industrielle (213 kWe) fonctionnent aujourd’hui. Une unité territoriale (300 nM3) est en développement et deux unités agricoles (80 nW3 et 200 kWe) en projet.
D’autres programmes sont en réflexion, comme le développement du réseau gazier, en ciblant spécifiquement un industriel. Une conversion de cet industriel du fioul vers le gaz naturel permettrait en effet de faire baisser de 20 % les émissions de gaz à effet de serre du territoire. « L’axe gazier, qui traverserait le territoire, serait un support de développement pour tous les nouveaux gaz : biogaz, hydrogène, gaz obtenu après gazéification », indique Thierry Restif. De quoi avancer sur un autre chantier en cours, la mobilité, avec le développement de carburants locaux (GNV et bioGNV). Néanmoins, tous ces projets ne sont pas faciles à mener à leur terme. En cause, le manque de moyens humains, notamment d’ingénierie. « Nous aimerions nous appuyer sur d’autres dispositifs d’aide aux territoires, les contrats de transition écologique, par exemple », confie Sébastien Benoist.
« Aujourd’hui, nous arrivons tant bien que mal à mobiliser, dynamiser et trouver des fonds pour les projets d’énergies renouvelables, c’est beaucoup plus difficile pour la partie maîtrise de l’énergie, poursuit l’élu. N’oublions pas cet aspect-là car, sans économies d’énergie, nous n’atteindrons pas les objectifs fixés. » C’est en partie pour cela qu’en une décennie les actions de communication et de sensibilisation du public se sont multipliées, avec notamment l’organisation de plusieurs évènements : Forum habitat-énergie (1 500 à 2 000 visiteurs et 30 à 40 entreprises), des colloques techniques (Cibe, Amorce), etc. Prochain rendez-vous dès septembre avec la Semaine de la transition énergétique. Une manifestation qui proposera conférences, ciné-débat, ateliers, spectacles…
Objectifs et finalités du projet à horizon 2030
- 40 % d’émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990.
- 20 % de consommation d’énergie par rapport à 2012.
- 32 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique.
Les propositions d’orientation du projet Objectif Tepos
- Valoriser l’agriculture : engager une dynamique autour de l’alimentation, accompagner les changements de pratique, maintenir et développer le stockage carbone agricole.
- Développer les énergies renouvelables et les réseaux énergétiques : créer une économie locale et résiliente, inciter à la création de projets participatifs, soutenir le développement des réseaux.
- Contribuer à une mobilité décarbonée : maintenir et développer les modes de transport collectif, innover dans la mobilité décarbonée, optimiser les déplacements du quotidien.