Portrait
« Viser la neutralité carbone signifie parler de sobriété »
Le Syndicat mixte du schéma de cohérence territoriale (Scot) du Grand Douaisis a initié une stratégie basée sur la sobriété. Capucine Leclerc, responsable du pôle Énergie-Climat, explique comment intégrer ce concept dans les politiques publiques.

Porteur d’un plan climat volontaire dès 2009, les élus du Syndicat mixte du schéma de cohérence territoriale (Scot) du Grand Douaisis (Nord), qui réunit l’agglomération de Douai et la communauté de communes Cœur d’Ostrevent (56 communes, 220 000 habitants), ont décidé de sensibiliser – avec l’association Virage énergie – les élus et les techniciens de l’institution, ainsi que les acteurs du territoire, à la sobriété.
Comment la notion de sobriété s’est-elle imposée dans le plan climat du Grand Douaisis ?
À travers les débats et les réactions des élus, nous avons choisi de bien préciser la définition de la sobriété, à savoir le questionnement des besoins pour un meilleur partage des ressources et une meilleure qualité de vie. Ce fut l’occasion pour nous de rappeler nos priorités en matière de transition : d’abord la sobriété, c’est-à-dire interroger nos besoins pour éviter de consommer, ensuite l’efficacité, à savoir investir dans la rénovation et la construction de bâtiments et de transports sobres, mais aussi l’aménagement durable, profitable à tous. Ensuite, les énergies renouvelables. Enfin, viennent la séquestration du carbone et la compensation des émissions de CO2, en bout de course. C’est un changement des pratiques actuelles : il est toujours plus facile de proposer des projets d’énergies renouvelables que de mettre à plat nos besoins puis d’envisager la manière de les satisfaire. Aujourd’hui, sur les 67 actions retenues dans le plan climat, 63 font référence à la sobriété. Adopter un plan climat aussi ambitieux est déjà une énorme victoire.
Ce sont des solutions de bon sens, mais qui n’ont pas cours ?
C’est un travail de longue haleine, basé notamment sur des outils de sensibilisation que nous avons créés avec l’association Virage énergie. Par exemple, l’outil “Stratégie SobriétéS” utilisé par nos élus a permis d’insuffler une culture de la sobriété. Le serious game “Grand Douaisis 2050 sans carbone” (et ses 350 questions-défis) permettra à tous les acteurs du territoire de s’approprier les actions concrètes à mettre en place. On pourra sans doute s’appuyer sur les effets induits de la crise sanitaire, qui a réinterrogé nos modes de transport, nos habitudes de consommation, nos relations sociales…
Comment valorisez-vous cette culture dans vos relations avec les collectivités du territoire ?
Elle a commencé à infuser en interne, c’est certain. Maintenant, nos techniciens vont rencontrer les porteurs de projets du territoire : entreprises, collectivités, associations. Le syndicat mixte joue le rôle d’animateur, de facilitateur, pour faire passer le message de la sobriété. Il produit ainsi des outils pédagogiques pour convaincre les acteurs du territoire sur l’intérêt de positionner la sobriété comme préalable. Il faut maintenant accompagner les élus du territoire pour qu’ils intègrent et traduisent concrètement ce sujet dans leurs projets.
De la sobriété à (presque) toutes les lignes
Parmi les objectifs du plan climat du Grand Douaisis :
- maîtriser la demande d’énergie (rénovation de l’ensemble du parc de logements sociaux et appartements et un tiers des maisons individuelles d’ici 2030) ;
- favoriser la mixité fonctionnelle urbanistique ;
- limiter la consommation foncière de l’aménagement du territoire (stagnation de l’artificialisation dès 2035) ;
- repenser l’usage de la voiture individuelle et la logistique urbaine ;
- accompagner les entreprises du territoire vers des solutions plus sobres (encourager le télétravail et les tiers-lieux favorisant de nouveaux modes de travail) ;
- encourager l’agroécologie (60 % de la surface agricole utile en 2050) ;
- faire évoluer les modes de consommation vers le partage et la réutilisation (réduction de la publicité dans l’espace public et distribuée, création de bricothèques), etc.