Le tour de la question
À Réau, des agriculteurs trient des biodéchets pour leurs méthaniseurs
Depuis 2021, la commune de Réau en Seine-et-Marne accueille un déconditionneur de biodéchets, adossé à plusieurs méthaniseurs agricoles. Cette technologie permet de sécuriser l’approvisionnement des digesteurs.

À Réau, en Seine-et-Marne, un méthaniseur agricole s’est enrichi d’un déconditionneur de biodéchets, c’est-à-dire un outil industriel capable de séparer les déchets organiques de leurs emballages. À l’origine du projet, Emmanuel Fernien et Alexis Lepeu, deux agriculteurs méthaniseurs, envisageaient de diversifier les intrants de leurs digesteurs. « Nous produisons des Cive, des cultures intermédiaires dédiées à la méthanisation, mais très tôt, un approvisionnement strictement agricole nous a semblé limité, tant en volume qu’en régularité, explique Alexis Lepeu. Nous avons rapidement pensé à améliorer l’autonomie de nos digesteurs avec les sous-produits de l’alimentation des villes des environs. »
Une usine collective pour trier les biodéchets
Les biodéchets alimentaires produits par les collectivités, les restaurateurs, l’industrie agroalimentaire et les grandes surfaces constituent un gisement de choix pour la méthanisation. Mais pour les exploiter, il faut un outil industriel capable de séparer emballages et matières organiques : le déconditionneur. Un collectif de cinq agriculteurs méthaniseurs, répartis entre la Seine-et-Marne et l’Aube, s’est rapproché de la société Moulinot, qui disposait d’une telle installation à Stains, en Seine-Saint-Denis. Avec l’industriel, ils ont investi 4 millions d’euros pour créer une usine. Cette dernière traite chaque année jusqu’à 40 000 tonnes de biodéchets, soumis à un tri mécanique par désemballage, suivi d’un traitement thermique. Ils sont transformés en une « soupe » méthanisable, sans plastique, verre, ni ferraille. « Nous tendons vers le zéro inerte », précise Alexis Lepeu.
La commune a adapté son PLU
La commune a dû adapter son plan local d’urbanisme (PLU) à deux reprises pour permettre l’implantation du méthaniseur puis du déconditionneur, classé installation industrielle. « Nous avons travaillé en amont sur l’implantation, à près d’un kilomètre des habitations, hors des vents dominants », précise le maire Alain Auzet. La cantine scolaire de Réau, qui sert 170 repas par jour, participe également à l’effort. Un contrat lie la commune à Moulinot pour la collecte de ses biodéchets. Deux méthaniseurs alimentent une station de bioGNV et les cinq installations injectent du biométhane dans le réseau. La Cuma du Carbone, une coopérative de matériel agricole présidée par Alexis Lepeu, s’est d’ailleurs équipée d’un tracteur roulant au bioGNV en 2023. Le maillage entre les cinq unités de méthanisation garantit une stabilité de fourniture de biométhane en cas de panne sur l’un des sites. « Nous ne sommes pas dans une logique industrielle de masse, rappelle cependant Alexis Lepeu. Chaque site reste à taille humaine, entre 10 000 et 40 000 tonnes de déchets par an. » Le digestat ainsi obtenu retourne à la terre, en alternative aux fertilisants de synthèse.