Entretien

Autopartage en zone rurale cherche élus convaincus

Né dans les grandes villes, l’autopartage a plus de mal à s’implanter en zone rurale. Plusieurs conditions sont nécessaires pour que cela soit le cas, dont un soutien politique et financier des collectivités locales. Entretien avec deux membres de l’Association des acteurs de l’autopartage : Bruno Flinois, vice-président de l’association et président de la plateforme d’autopartage de véhicules électriques Clem’ et Olivier de Broissia, président-fondateur de la société d’autopartage Modulauto en Occitanie.

PAR CAROLE RAP - NOVEMBRE 2022
Tableau extrait du baromètre national autopartage 2022, page 19.

À quelles conditions l’autopartage peut-il se développer en zone rurale ?

Bruno Flinois : La condition la plus importante, c’est une volonté politique. C’est un service à mettre en place, qui rajoute de la complexité pour l’élu. Si le maire ne croit pas à la transition énergétique, ça ne fonctionne pas. L’autre condition, c’est qu’il y ait à proximité d’une station d’autopartage, une densité suffisante d’habitants ayant le permis de conduire. Il faudrait que 80 % d’entre eux n’aient pas besoin de faire plus d’un kilomètre pour aller chercher le véhicule. Il y a aussi une condition technique. En zone rurale, la population est différente de celle de la ville. La moyenne d’âge de nos usagers y est de 47 ans, alors qu’elle est de 35 ans dans une grande ville. Les manières de fonctionner sont différentes. Certains vont réserver avec l’ordinateur plutôt que le smartphone. Il y a aussi des problèmes de réseaux. Chez Clem’ par exemple, nous avons mis douze ans pour créer une solution acceptable en zone rurale, avec un système d’assistance téléphonique, des boîtes à clé à l’extérieur permettant de récupérer une clé classique de manière sécurisée, et qui fonctionnent hors réseau. Ou encore la possibilité de partager un badge pour utiliser une borne de recharge électrique.

Quel est le modèle économique de l’autopartage en zone rurale ?

Bruno Flinois : Il faut qu’un certain nombre d’employés communaux et de professionnels utilisent le véhicule régulièrement. Par exemple un véhicule partagé par quatre à cinq usagers pour un usage fréquent, et par l’ensemble de la population pour des usages ponctuels, souvent des petits trajets dits occasionnels. À Villerouge-Termenès dans l’Aude, un village de 154 habitants, Clem’ a un partenariat avec la commune pour opérer un véhicule électrique avec une borne de recharge sur le parking de l’ancienne cave coopérative. La voiture est utilisée par les employés de la mairie pour leurs déplacements professionnels. Elle est également accessible au public [les habitants bénéficient de tarifs résidents, inférieurs aux tarifs pour les visiteurs, ndlr].

Olivier de Broissia : L’autopartage s’est développé principalement dans les grandes villes via des opérateurs privés. En zone rurale, l’équilibre économique est très difficile à trouver car la densité est faible et les gens sont déjà très motorisés. Il faut donc un tarif attractif pour booster les utilisations. C’est pourquoi l’offre privée n’existe pas. C’est à la commune ou à la communauté de communes de prendre l’initiative. Elles peuvent demander un soutien à la Région qui est l’autorité organisatrice de la mobilité (AOM). Et parfois auprès du Département car l’autopartage joue aussi un rôle social. Mais il faut vraiment un maire volontariste, prêt à dédier un petit budget pour faire démarrer l’autopartage, en essayant ensuite de le pérenniser. On peut distinguer deux zones. D’une part, les zones périurbaines proches d’une grande ville, où il est peut-être possible de trouver un équilibre économique. C’est ce que nous espérons à terme sur Saint-Gély-du-Fesc, dans l’Hérault, où nous avons commencé une expérimentation avec la communauté de communes, soutenue par des fonds Feder et régionaux [depuis octobre 2020, Modulauto propose de l’autopartage sur la communauté de communes du Grand Pic Saint-Loup (CCGPSL) à Saint-Gély-du-Fesc et à Saint-Mathieu-de-Tréviers dans l’Hérault près de Montpellier. Dans le cadre d’une expérimentation avec la CCGPSL, ces véhicules disposent d’un tarif spécifique à 2 € de l’heure et 0,30 € par km et d’une application spécifique pour l’inscription et la réservation des véhicules, ndlr]. D’autre part, dans les zones éloignées d’un centre urbain, l’autopartage est plus compliqué du point de vue économique. Il faut alors une grande volonté politique.

Autopartage en zone rurale, repères

  • Le guide de l’autopartage pour les territoires, publié par l’Association des acteurs de l’autopartage, regroupe dans la catégorie “zones de faible densité” l’ensemble des zones rurales, mais aussi les villes de moins de 50 000 habitants et même certaines franges des zones denses. Dans ces secteurs, « l’autopartage ne peut se développer sans soutien financier des collectivités locales, au moins sur les premières années d’opération, sauf rares exceptions », soulignent les auteurs.
  • Jusqu’en 2020, l’Insee définissait le rural comme l’ensemble des communes n’appartenant pas à une unité urbaine (caractérisée par le regroupement de plus de 2 000 habitants dans un espace présentant une certaine continuité du bâti). Les territoires ruraux désignent désormais l’ensemble des communes peu denses ou très peu denses d’après la grille communale de densité. Ils réunissent 88 % des communes en France et 33 % de la population en 2017 selon l’Insee.

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