Entretien
Centrales solaires au sol développées avec des agriculteurs
Rémi Casteras, ingénieur agronome et directeur Environnement et Technique chez WPD, producteur d’énergie 100 % renouvelable, suit également les projets solaires au sol menés avec les agriculteurs, au nombre d’une trentaine. Les premiers projets solaires de l’entreprise devraient voir le jour en 2022.
Quelles sont les activités de WPD ?
WPD est producteur d’énergie 100 % renouvelable, présent partout dans le monde. Nous développons les projets, assurons leur construction, leur maintenance ainsi que leur gestion administrative et financière. L’entreprise compte 2 400 salariés dont 140 en France, répartis dans plusieurs agences : Boulogne-Billancourt, Nantes, Dijon, Lyon, Limoges, Cholet, Lille… La filiale dédiée à l’éolien terrestre a été créée en France en 2002, celle dédiée à l’éolien en mer en 2007, et l’activité solaire a débuté en 2018.
Comment construisez-vous les projets solaires au sol en lien avec une activité agricole ?
Nous prenons beaucoup de temps pour rencontrer tous les acteurs locaux dès le début : propriétaire du terrain, exploitant, mairie, chambre d’agriculture… En amont du projet, nous réalisons des diagnostics solides afin de valider la faisabilité technique et la rentabilité solaire et agricole avant de s’engager avec les agriculteurs. Un projet équivaut à un engagement sur plus de 30 ans en comptant le montage du projet, l’exploitation et le démantèlement, avec de lourds investissements. Nous ne pouvons prendre le risque de nous lancer sans avoir étudié toutes les questions. Nous travaillons en collaboration avec tous les acteurs de la filière agricole pour construire ensemble des projets viables pour tous.
Quel lien créez-vous avec l’agriculteur et son activité ?
Le maintien de l’activité agricole est essentiel et doit être viable, de même que la production photovoltaïque. Le projet solaire comme l’activité agricole doivent s’adapter pour permettre aux deux activités de coexister et d’être rentables. Des études économiques sont donc menées pour valider ces prérequis. Lorsque le projet est lancé, l’agriculteur est considéré comme un véritable partenaire et nous rencontrons toutes les administrations ensemble pour défendre le projet. Nous signons un bail emphytéotique de 30 à 40 ans pour la parcelle accueillant la centrale. Un loyer annuel, qui varie principalement selon l’ensoleillement du site, la distance nécessaire au raccordement, la qualité agronomique de la parcelle ou encore la pression foncière locale, est versé à l’exploitant et au propriétaire. Un revenu stable et régulier est ainsi assuré pendant au moins 30 ans, ce qui permet également de pérenniser l’exploitation.
Des activités agricoles sont-elles privilégiées pour s’associer à une production d’électricité ?
La production photovoltaïque peut s’associer à presque toutes les exploitations agricoles, mais il faut rester conscient de certaines contraintes. Sur les grandes cultures, les passages de matériels agricoles sont difficilement conciliables avec les installations : les chèvres peuvent monter sur les panneaux, les bovins peuvent exercer une pression physique importante en s’y frottant, etc. Depuis quelques années, il est également possible d’associer production photovoltaïque et activité viticole, qui reste rentable grâce aux aides publiques.
Cependant, et d’une manière générale, la grande tendance reste aux élevages ovins, où généralement l’écartement et la hauteur des panneaux sont prévus pour permettre le pâturage des animaux et le ressemis des prairies.
Combien de projets sont en cours de développement ?
Nous développons actuellement une trentaine de projets solaires au sol en lien avec une activité agricole à travers la France entière. Nous constatons une réelle demande sur le territoire et pour 30 projets qui devraient aboutir, nous en avons étudiés et finalement stoppés une cinquantaine. Beaucoup de raisons peuvent empêcher un projet de voir le jour : un classement en zone naturelle, un terrain mal orienté, une activité agricole non viable, un manque de temps de l’exploitant pour gérer ce nouvel atelier, un projet difficilement transmissible… Cette forte sélection renforce notre crédibilité.
WPD rejoint l’Apepha
Le 6 mai 2021, WPD a annoncé sa collaboration avec l’association d’agriculteurs producteurs d’électricité photovoltaïque associés (Apepha) afin de coordonner des projets solaires en coactivité agricole. « Notre éthique à l’Apepha a toujours été de faciliter, sécuriser et permettre à un maximum d’agriculteurs d’installer des centrales solaires sur leurs toitures. L’objectif ambitieux de multiplier par 4 la production d’origine photovoltaïque, et le manque de surfaces disponibles, poussent les producteurs d’électricité à se tourner vers les terres agricoles en y implantant des projets au sol en coactivité. Ce qui pouvait apparaître comme un risque pour le foncier agricole, est en réalité une belle opportunité pour la profession à la condition essentielle de coconstruire et co-investir avec un partenaire solide et expérimenté sur ces projets riches et complexes. Nous étions déjà en discussion avec WPD pour d’autres projets, le choix s’est ainsi fait naturellement », souligne Pascal Chaussec, président de l’Apepha. Les premiers projets communs sont en cours de développement en Bretagne.