Entretien
« Donner des éléments factuels sur la méthanisation »
Emmanuel Guillon, professeur de chimie environnementale à l’Institut de chimie moléculaire de Reims et titulaire de la chaire industrielle « Méthanisation en région Grand Est » (Merge), a co-écrit le livre « Idées reçues sur la méthanisation agricole* » publié en octobre 2023 aux éditions Le Cavalier bleu.
Pourquoi avoir écrit ce livre ?
Emmanuel Guillon : Nous sommes un groupe de chercheurs qui travaillons sur la méthanisation. Nous avions envie de rassembler des éléments factuels et scientifiques sur cette thématique. On entend beaucoup d’idées reçues, souvent par méconnaissance, et, avec mes co-auteurs Philippe Hamman (1) et Aude Dziebowski (2), nous en avons sélectionnées quelques-unes. Parfois on les met à mal, parfois on les confirme, parfois c’est au lecteur de se faire son propre avis selon des arguments objectifs étayés par des chercheurs experts dans leur domaine. Nous avons une approche la plus complète possible en balayant tous les aspects : scientifique, technique, environnemental, économique, sociologique, humain, juridique… Ce livre est destiné à tous ceux qui s’intéressent au sujet : agriculteurs, énergéticiens, citoyens, politiques, chercheurs…
L’objectif est-il également de favoriser l’acceptabilité des projets ?
Je parlerais plutôt d’appropriation des nouveaux projets. On fait référence à l’acceptabilité lorsque le projet est déjà en place. L’appropriation se fait en amont du projet, notamment par la concertation auprès de tous les acteurs du territoire. Concertation qui doit encore se développer aujourd’hui sur le terrain pour favoriser l’appropriation. Sur certains projets, notamment lorsqu’il y a eu beaucoup d’échanges entre acteurs et que l’unité profite à tous, par le chauffage des équipements municipaux par exemple, tout se passe très bien. Sur d’autres, il y a parfois beaucoup d’oppositions. Certaines peuvent être justifiées, d’autres non. C’est le travail des scientifiques de donner des arguments solides et d’éclairer le débat. N’oublions pas non plus que la méthanisation participe au mix énergétique dont nous avons besoin. Pour l’agriculteur, elle offre aussi un complément de revenu et les bénéfices peuvent aussi profiter, plus largement, au territoire.
Existe-t-il un « type » de méthanisation à privilégier ?
Comme dans tous les secteurs, il peut y avoir de mauvaises pratiques et les dérives sont à stopper. Mais en respectant la réglementation avec des pratiques vertueuses, du bon sens et du savoir-vivre, la méthanisation, à l’échelle de l’exploitation ou en regroupement de quelques agriculteurs, a un bel avenir devant elle. Il faut notamment s’assurer, par exemple, que les cultures intermédiaires à vocation énergétique ne concurrencent pas la production des cultures alimentaires et permettent de préserver la fertilité des sols, la biodiversité et la qualité de l’eau. Les projets d’unités « industrialisées » me posent question et me semblent s’éloigner de l’objectif initial de produire de l’énergie verte en valorisant les déchets, et peuvent engendrer des conséquences négatives sur la logistique par exemple. Comme partout, le mieux est d’éviter les excès.
* Découvrir l’ouvrage « Idées reçues sur la méthanisation agricole »
(1) Professeur de sociologie à l’Université de Strasbourg.
(2) Doctorante en sociologie à l’Université de Strasbourg dans le cadre du projet « Enjeux socio-environnementaux de la méthanisation agricole » (Methatip).