Retour d'expérience
Énergie citoyenne, le codéveloppement d’un méthaniseur
Le projet du méthaniseur de la SAS Biogaz des Marches de Bretagne est le fruit d’une collaboration maîtrisée entre plusieurs acteurs territoriaux.
À Maen Roch, en Ille-et-Vilaine, la collectivité et 21 agriculteurs (sur 14 exploitations), à l’initiative d’une unité de méthanisation avec injection dans le réseau de gaz, se sont entourés de cinq autres partenaires pour compléter leurs compétences et mener à bien le projet. « Dès le départ, en 2015, la communauté de communes Couesnon Marches de Bretagne avait un objectif double : produire une énergie renouvelable et consolider les exploitations des éleveurs du territoire », précise Énergie partagée qui met en place un outil d’investissement citoyen. Jusqu’en 2018, pour développer le projet, la collectivité s’appuie sur la prestation du bureau d’études Solagro et l’assistance à maîtrise d’ouvrage de la SemBreizh sur les plans juridique et financier. Le syndicat de traitement des déchets du territoire (Smictom du Pays de Fougères) est associé aux réflexions et rejoint, en 2019, la SAS Biogaz des Marches de Bretagne, au même titre que la communauté de communes et les 14 exploitations agricoles. BreizhÉnergie (outil financier de la Bretagne sur les opérations d’énergie renouvelable), la société d’économie mixte locale Énerg’IV (1), Ter’Green (filiale du groupe Keon, spécialiste du codéveloppement et co-investissement dans la filière biométhane) et Énergie partagée intègrent la SAS en 2020.
Si la collaboration entre chaque acteur fonctionne, c’est notamment grâce à une répartition des rôles et des pouvoirs qui a anticipé la construction de l’unité. Des réunions sont organisées régulièrement pour partager le maximum d’informations et l’état d’avancement du projet auprès de chaque acteur.
Identité agricole du projet
Afin de garantir l’identité agricole du projet, la présidence de la SAS est agricole mais la direction générale, plus opérationnelle, est assurée par Ter’Green. Les décisions du président et du directeur général sont encadrées par les pouvoirs du comité de direction constitué de 9 membres : 3 sièges pour les agriculteurs, 2 pour le développeur, 1 siège pour chaque opérateur territorial et citoyen (soit 3 : Énergie partagée, Énerg’IV et Ter’Green) et enfin, 1 siège partagé entre la collectivité et la Smictom. L’investissement dans une unité de méthanisation devrait apporter aux agriculteurs une diversification de revenus, une réduction des coûts liés aux engrais minéraux ainsi qu’un allègement de la charge de travail grâce à une gestion mutualisée des effluents. Mais afin que l’exploitation du site en fonctionnement ne génère pas de poids supplémentaire aux agriculteurs, au-delà de leur implication dans l’approvisionnement et l’épandage des digestats, il a été décidé que Sycomore, filiale du groupe Keon, assure l’appui à l’exploitation et la maintenance de l’unité. En 2021, le permis de construire et l’autorisation ICPE sont obtenus sans recours ni aucune observation négative dans le registre de consultation publique. L’investissement total se porte à 6 millions d’euros. La mise en service de l’unité est prévue en 2023. Elle doit produire 11 GWh/an de gaz avec une puissance de 120 Nm3/h. Elle traitera 22 000 tonnes/an de matières : 14 000 tonnes/an d’effluents d’élevages, des couverts végétaux (Cive), des fauches de bord de route de la commune ainsi que des biodéchets du territoire (drêches d’oignons).
(1) Sem créée par le syndicat d’énergie de l’Ille-et-Vilaine, le Département et Rennes Métropole, pour développer la transition énergétique.
Des habitants acteurs
« La participation locale des habitants, aux côtés des collectivités, est la clé de voûte de l’aboutissement d’un projet avec un fort ancrage territorial, estime Énergie partagée. Les habitants bénéficient des retombées économiques du projet à travers Énergie partagée et leurs intérêts sont également relayés par l’association, la communauté de communes et la Sem. » Mais les citoyens n’ayant pas accès à la gouvernance ni à un rôle spécifique dans le projet, les acteurs territoriaux doivent être vigilants à les informer suffisamment. « Un projet territorial, citoyen et co-construit, c’est un travail de longue haleine, mais les agriculteurs ont aujourd’hui une grande maîtrise de leur outil qui a été accepté par la population », estime Louis Dubreuil, qui a été président de la SAS Couesnon Marches de Bretagne jusqu’en 2020 et qui a suivi l’émergence du projet.