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Énergies renouvelables : des recours plus courts
Un décret réduit la durée des recours contre les projets d’énergie renouvelable, notamment contre les unités de méthanisation. Le but est d’accélérer leur développement, mais ce décret concerne essentiellement les grands projets. Selon les experts, il pourrait même s’avérer contre-productif.
Alors même que les députés examinent le projet de loi sur l’accélération des énergies renouvelables, le gouvernement a publié, le 29 octobre 2022, un décret modifiant le régime contentieux des projets (hors éolien). Celui-ci impose un délai d’instruction maximal des litiges (par les cours et les tribunaux administratifs) de dix mois avant qu’ils ne soient portés devant la juridiction supérieure.
Selon les chiffres du Conseil d’État pour 2021, les délais de recours contre les projets d’énergie renouvelable étaient, en moyenne, de sept à un peu plus de onze mois en fonction des juridictions. Le décret pourra donc, dans certains cas, raccourcir légèrement le délai de jugement.
Un effet à double tranchant pour la méthanisation
Concernant les projets de méthanisation, les délais sont souvent inférieurs à dix mois. En revanche, les sites sont soumis à la réglementation ICPE (installation classée pour la protection de l’environnement). Aussi les recours devaient-ils jusqu’à présent être déposés dans un délai de quatre mois après la parution de l’arrêté préfectoral autorisant l’installation. Dans le cadre du décret, il est désormais obligatoire, pour les parties à l’origine des recours, de réagir dans un délai de deux mois. Selon le bureau d’études associatif Solagro (spécialisé dans les transitions énergétiques, agroécologiques et alimentaires), ce nouveau décret va donc permettre de gagner environ deux mois sur le développement des projets de méthanisation.
Toutefois, dans un contexte de tension et de questionnement autour de cette technologie, son effet pourrait être à double tranchant, d’autant que certains projets nécessitent une longue médiation. « A priori, l’intention est bonne, mais les acteurs de la filière n’attendaient pas ce type de mesure. Cela peut finalement envoyer un signal négatif aux associations environnementales et aux riverains. Avec ce décret, on vient réduire leur capacité à exercer leur droit de recours, avec le risque d’alimenter l’idée que les projets se montent dans leur dos », explique Jérémie Priarollo, responsable ingénierie méthanisation de Solagro.
Les grands projets ciblés
Par ailleurs, les recours d’une durée supérieure à dix mois concernent les grands projets traitant quotidiennement plus de cent tonnes d’intrants. Ceux-ci obéissent en effet à un régime d’autorisation plus lourd et plus long. Selon Solagro, le décret serait davantage un levier d’optimisation pour ce type de projets, souvent portés par des développeurs privés. De leur côté, les petits projets de territoire, portés par des agriculteurs ou des collectifs citoyens, sont généralement soumis au régime de déclaration moins contraignant et nécessitent moins de temps de développement.
« Le décret s’adresse plus aux porteurs privés qui, eux, peuvent être satisfaits de cette réduction de la durée de recours. Cela signifie des projets moins longs à développer, et donc moins coûteux. Ces gros projets ont certainement leur place dans les territoires, mais ils doivent cohabiter avec des projets plus locaux, d’autant que ces derniers sont plus simples à monter et génèrent moins d’opposition », indique Jérémie Priarollo.
Pour Solagro, il serait préférable que la prochaine loi encourage, voire incite l’ouverture de la gouvernance et du capital des projets privés, à des collectivités et à des citoyens. « Cela permettrait de limiter en amont les risques d’opposition et de montrer que, contrairement aux idées reçues, les projets de méthanisation ne sont pas forcément des initiatives 100 % privées et qui n’apporteraient que des nuisances sur un territoire, sans aucune contrepartie », précise Jérémie Priarollo.