Entretien

Gaz à effet de serre : « En agriculture, l’enjeu environnemental est directement lié à la biologie »

Audrey Trévisiol est ingénieure sur la thématique agriculture et changement climatique au service Forêt, alimentation et bioéconomie de l’Ademe. Elle a coordonné la publication fin 2021 des 13 fiches régionales sur les leviers techniques pour atténuer les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur agricole, élaborées avec l’appui de l’Inrae. Elle nous livre ici son analyse.

PAR ALEXIS DUFUMIER - JANVIER 2022
« Dans nos travaux, nous prenons en considération le caractère complétement essentiel de l’agriculture pour la production alimentaire, ainsi que la difficulté technique de maîtriser les phénomènes biologiques », explique Audrey Trévisiol. ©ADEME

Quel est l’impact de l’agriculture sur les émissions de gaz à effet de serre ?

En France, l’agriculture est le deuxième secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre (GES) après celui des transports. L’agriculture représente ainsi environ 19 % des émissions nationales soit 83 millions de tonnes (Mt) équivalent CO2, selon l’inventaire national Citepa pour l’année 2019. Le secteur a un rôle primordial à jouer en matière d’atténuation, mais avec des particularités propres.

Quelles sont les particularités du secteur en matière d’émission de GES ?

La première originalité de l’agriculture est que ses émissions de GES sont relativement peu liées à la consommation d’énergie qui ne compte « que » pour 13 %. Les deux postes principaux sont : les émissions de méthane (45 %) dues à la fermentation entérique des animaux et à la gestion des déjections animales, et les émissions de protoxyde d’azote (42 %) dues à la fertilisation minérale et à la gestion des déjections animales. L’enjeu pour l’agriculture est donc en premier lieu de limiter les émissions liées aux processus biologiques mis en œuvre dans le mode même de production. C’est là le défi technique majeur.
Dans les scénarios de neutralité carbone de l’Ademe pour la France en 2050 [Transition(s) 2050, publiés en novembre 2021, ndlr], l’agriculture réduit son impact d’un facteur 2 dans deux scénarios étudiés. Cet objectif est moindre que dans les autres secteurs. Il est ainsi pris en considération le caractère complétement essentiel de l’agriculture pour la production alimentaire, ainsi que la difficulté technique de maîtriser les phénomènes biologiques.

Que sait-on aujourd’hui sur les leviers d’action ?

Le sujet des leviers de réduction des émissions GES et de stockage du carbone en agriculture a été bien documenté en France avec respectivement le projet BANCO (I Care & Consult, Inrae, Céréopa, 2017) et l’étude « 4 pour 1 000 France » (Inrae, 2019), accompagnés par lAdeme. Nous nous sommes appuyés sur ces travaux pour transcrire ces enseignements en fiches régionales pratiques qui classent et répertorient les actions clés en fonction du potentiel d’atténuation et du coût de mise en œuvre. Ces 13 fiches sont accessibles et adaptées pour que chaque territoire puisse déployer ses propres solutions.

Concrètement, quelles actions peuvent-elles être menées ?

Quatre grandes catégories de leviers sont identifiées. La première porte sur la gestion de la fertilisation azotée. En l’optimisant, on limite les pertes dans l’environnement tout en économisant des engrais minéraux de synthèse. Ensuite, on peut favoriser le stockage de carbone dans les sols ou dans la biomasse, comme par exemple avec le développement des haies et de l’agroforesterie. Les prairies constituent également des puits de carbone à préserver et les cultures intermédiaires ont un rôle essentiel dans la gestion de l’azote et la qualité des sols. En troisième lieu, des actions pour optimiser l’alimentation animale sont possibles. Enfin, l’optimisation des consommations d’énergie et le développement de la méthanisation constituent d’autres leviers.
L’amélioration des pratiques agricoles ne fera pas tout. La transition du secteur agricole nécessite aussi des évolutions plus structurelles. Enfin, l’agriculture ne pourra pas changer à elle seule. C’est toute la chaîne de valeur qui doit s’intégrer dans le mouvement, industries, distributeurs et consommateurs.

Moins de viande

La quantité d’émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole est en lien direct avec notre régime alimentaire. Ainsi, dans les quatre scénarios de l’Ademe à 2050, la consommation de viande diminue, mais de façon plus ou moins importante, ce qui permet de réduire le nombre des cheptels et d’aller vers de l’élevage extensif. Aux extrêmes, la consommation de viande ne décline que de 10 % dans le scénario « pari réparateur » (maintien de la consommation de masse), tandis qu’elle est divisée par trois dans le scénario « génération frugale » (frugalité choisie et contrainte). Les scénarios médians envisagent une division par deux (scénario « coopérations territoriales ») ou une diminution de 30 % (scénario « technologies vertes »). Cette évolution dépendra notamment des tendances des consommateurs. Elle dépendra aussi de la capacité de l’agriculture à produire tout en réduisant ses émissions de gaz à effet de serre et en amplifiant les effets positifs de l’élevage sur la gestion du carbone (prairies, bocage, etc.).

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