La famille Guérin, pionnière de la méthanisation

Comment est née votre première unité de méthanisation ?

Bertrand Guérin : Installé avec mes deux frères en Dordogne, je cultive 170 hectares de luzerne, de maïs ensilage et de ray-grass [ivraie vivace, plante fourragère, ndlr] notamment, mais aussi des noyers et des châtaigniers. Nous élevons 90 vaches laitières pour produire 850 000 litres de lait par an. Produire de l’énergie avec le fumier et le lisier de nos vaches m’intéressait et nous avons visité des installations en Allemagne dès 2004. En France, construire une unité de méthanisation n’a été possible qu’à partir de 2008 grâce au Grenelle de l’environnement. Nous avons donc répondu à un appel à projets à cette date, et nous avons mis en service l’unité en cogénération en 2011. Elle produit 2 millions de kWh/an, soit l’équivalent de la consommation électrique de 500 foyers français.

Comment ce projet a-t-il évolué ?

BG : Cette unité a rapidement pris de l’ampleur grâce aux opportunités de gisement locales telles que l’utilisation de déchets d’usine agroalimentaires. En dépassant les seuils de puissance fixés par les tarifs d’achat, nous avons décidé de valoriser l’excédent de production directement à la ferme. En 2022, nous avons mis en place, à la ferme, une station-service capable d’épurer et de comprimer le biogaz pour produire du biométhane (bioGNV, gaz naturel véhicule), qui alimente aujourd’hui un tracteur agricole, deux camions et une dizaine de véhicules légers. Puis en 2024, nous avons amélioré l’installation pour l’ouvrir aux clients extérieurs. Les véhicules des collectivités, comme les bus scolaires ou les voitures de service, ou encore les tracteurs méthane, peuvent venir se ravitailler chez nous. 

D’autres projets ont-ils vu le jour et quel bilan tirez-vous ?

BG : Avec la nouvelle génération, mon fils et mes neveux, nous avons lancé une nouvelle unité de méthanisation qui a été mise en service en 2023. Elle injecte 250 Nm³ de biométhane dans le réseau grâce aux intrants composés de cultures intermédiaires à valeur énergétique et de déchets agroalimentaires.En 2025, notre première unité, en cogénération, arrivera au terme de son contrat. Aussi, nous réfléchissons à la convertir en injection de biométhane. Le digestat liquide des deux unités est épandu par l’approvisionnement direct d’un épandeur sans réserve, via un tuyau de 2,5 km. Cela évite les désagréments liés à la circulation des tracteurs sur les routes ainsi que le tassement de nos sols.

Grâce à ces deux unités et à la station bioGNC, nous préservons la production agricole, nous avons créé de l’emploi, en passant d’une personne à la reprise de l’exploitation en 1994 à une dizaine d’emplois aujourd’hui, et nous solidifions la rentabilité de la ferme grâce aux tarifs d’achat. En 2024, j’ai connu la pire année agricole depuis mon installation à cause du climat ; la production d’énergie permet de sécuriser l’exploitation.