Le tour de la question
La méthanisation pour gérer le datura
Les premiers résultats de l’étude Meta Datura d’Arvalis sont prometteurs pour tuer les graines de cette plante toxique et envahissante.

Le datura est une plante toxique pour les humains et les animaux. En cause : les alcaloïdes contenus notamment dans ses graines. Présent dans les parcelles de maïs, de tournesol, de soja ou de légumes de plein champ, son éradication est essentielle pour éviter qu’il ne se retrouve dans les denrées alimentaires, mais également pour empêcher sa propagation. En effet, un pied peut produire jusqu’à 5 000 graines et une graine peut survivre plus de 80 ans dans le sol.
Pour s’emparer de cet enjeu : l’institut technique agricole Arvalis a lancé le projet Meta Datura d’une durée de trois ans. Il prendra à la fin cet été. « L’objectif était de vérifier si des lots de grains ou de fourrages contaminés par du datura pouvaient intégrer la ration d’un méthaniseur sans affecter la production de biométhane et sans risquer de propager des graines viables via le digestat », explique Manuel Heredia, ingénieur Arvalis à Montardon, dans les Pyrénées-Atlantiques.
Test pilote validé
Les premiers résultats issus d’essais en laboratoire sont prometteurs : en dix jours et à une température de 39 °C, 100 % des graines contenues dans un réacteur d’un litre sont détruites. « Chaque étape validée nous permet de réaliser de nouveaux tests à une échelle supérieure afin de se rapprocher un peu plus des conditions réelles d’une unité de méthanisation », précise l’ingénieur. Ainsi, les tests ont ensuite été menés au sein du plateau technique de l’Apesa de Montardon.
Dans un réacteur de 20 litres, avec différents intrants, tels que du maïs et des cultures intermédiaires à vocation énergétique, 87 % des graines sont mortes et 13 % restent « fraîches » (vivantes et sans faculté germinative) après 11 jours. l00 % des graines meurent à 40 jours. Ce test pilote a aussi permis de valider que la présence de graines de datura, et notamment les alcaloïdes, ne bousculait pas la biologie du méthaniseur et ne présentait pas ou peu d’effets visibles sur la production de méthane, ni sur le taux de méthane du biogaz.
Fourrages contaminés
« La prochaine étape, en cours, est de suivre le devenir des graines au sein d’une ration dans un digesteur de 150 m³ avec des fourrages contaminés par le datura, et donc potentiellement avec des bogues encore entières qui protègent la graine et peuvent freiner sa dégradation, souligne Manuel Heredia. Deux temps de séjour de 60 jours chacun seront mis en place : pendant la montée en charge et durant la stabilisation. Ce sont les temps moyens observés en condition réelle dans les digesteurs. Les phases solide et liquide du digestat seront ensuite séparées. La phase liquide sera épandue au champ et on gardera la phase solide en observation pendant un an pour vérifier l’absence de repousses de datura, avant de l’épandre également. »
À suivre aussi : les graines qui pourraient migrer d’un digesteur à l’autre plus rapidement que les 60 jours prévus dans chacun. Ce test grandeur nature permettra de valider que les résultats obtenus au laboratoire sont reproductibles à l’échelle industrielle en conditions réelles de production. « Les premiers résultats sont solides », relève Manuel Heredia qui précise que « le secteur agricole comme celui des collectivités sont en attente de la confirmation de la gestion de cette plante envahissante via la méthanisation ».
Haro sur les envahisseurs
La méta-plateforme d’Arvalis et de l’Apesa à Montardon a également prévu de travailler sur l’innocuité du digestat issu de rations présentant d’autres adventices que le datura, de plus en plus difficiles à gérer dans les parcelles agricoles, ou sur différents biopathogènes (mycotoxines, ergot, champignons…) à l’origine de lots de grains déclassés.