Entretien
L’agriculture représentera 60 % du potentiel de biomasse énergétique en 2050
Simon Métivier, chargé de projets Bioéconomie à l’association Solagro, fait le point sur les différents enseignements de son étude « Quelles biomasses pour la transition énergétique ? », cofinancée par GRDF et présentée le 15 octobre 2024.
Quels sont les principaux enseignements de votre étude ?
L’objectif est d’éclairer le débat sur le potentiel et les usages de la biomasse mobilisable pour l’énergie en France à l’horizon 2050, sans concurrencer l’alimentation, le maintien de la fertilité des sols et la production de matériaux.
Selon l’étude, le potentiel de ressources pour 2050 s’élève à 100 millions de tonnes de matières sèches par an (Mt MS/an), soit un maximum de 340 TWh, dont environ 60 % proviennent de l’agriculture – cultures intermédiaires à vocation énergétique, résidus de cultures, effluents d’élevage, excédents d’herbe –, 20 % du bois issu de forêts ou hors forêts, 20 % des déchets de ces filières. Ce potentiel de biomasse est mobilisable si les ressources sont valorisées pour la production d’énergie avec un retour au sol des sous-produits. En effet, vis-à-vis des enjeux de durabilité des sols en agriculture, il est essentiel que la valorisation des ressources issues de l’agriculture assure un retour au sol de la matière organique (pour amender le sol et stocker du carbone) et des nutriments (azote, phosphore, potasse) pour le fertiliser. La seule filière de valorisation permettant ce retour au sol est la méthanisation.
Sans retour au sol, le potentiel de ressources à 2050 est limité à 43 Mt MS/an, soit 205 TWh/an de chaleur, car une partie des ressources agricoles ne peut être mobilisée sans impacter la fertilité des sols.
Quelles sont les filières matures de valorisation de cette biomasse ?
Il existe trois filières matures aux potentiels et usages variés :
– La combustion reste un moyen techniquement et économiquement performant pour la valorisation de la biomasse, mais son usage se réduit principalement à la chaleur basse et moyenne température. Elle fait par ailleurs face à des enjeux de qualité de l’air et de non-retour au sol de la matière organique stable et de l’azote, ce qui limite le potentiel de biomasse mobilisable. C’est pourquoi nous l’estimons à 42 Mt MS/an sur les 100 Mt MS/an identifiés.
– La méthanisation permet d’accéder à un complément de ressource très important d’environ 60 Mt MS/an (157 TWhPCS/an), tout en assurant un retour au sol de la matière organique et des nutriments. Cette filière permet de répondre à une diversité d’usages énergétiques avec la production de chaleur haute température, d’électricité de pointe et de carburants (hors aérien).
– La filière traitant les déchets d’huile et graisse, par estérification ou hydrogénation, représente un potentiel extrêmement limité de 5 Mt MS/an, soit 6 TWhPCS/an de carburant liquide. Elle peut produire du carburant aérien. Mais s’il est nécessaire de produire des carburants aériens à partir de biomasse en plus grandes quantités, il faut recourir à d’autres sources de biomasse (matière ligneuse non méthanisable) et passer par des filières thermochimiques non encore complètement matures, telles que la pyrolyse rapide, la pyrogazéification, la fermentation…