Entretien

Le bocage, un outil de transition énergétique

Régulation du climat et prévention des inondations et de l’érosion, conservation des sols, préservation de la qualité de l’eau, maintien de la biodiversité… Outre sa fonction paysagère, le bocage a une valeur aujourd’hui bien documentée qui a toujours été associée à la production de bois et notamment de bois-énergie. Mais sa productivité dépend de la façon dont il est géré. Explications avec Frédéric Coulon, chargé de projets Agriculture périurbaine, paysage, agroforesterie à Solagro.

PAR CHRISTEL LECA - MAI 2022
Frédéric Coulon, chargé de projets Agriculture périurbaine, paysage, agroforesterie à Solagro. ©DR

Le linéaire de haies qui constitue le bocage, estimé à 560 000 kilomètres en France, a fortement régressé depuis le début du XXe siècle, où il s’élevait à plus de 2 millions de kilomètres. Avec les programmes de replantation en cours depuis trente ans, cette diminution a été réduite mais pas totalement stoppée. En outre, les services rendus par les haies dépendent de leur structure et de la qualité de leur entretien. L’évaluation du potentiel énergétique des haies sur l’ensemble du territoire français fait partie des sujets d’une étude (Resp’haies) menée par un consortium piloté par Afac-Agroforesterie, qui doit s’achever cette année. S’il existe une grande diversité de types de haies en France, on les a schématiquement distingués en trois grands types arborés : haies de futaie, haies de taillis, haies mixtes taillis sous futaie. Une futaie est une plantation d’arbres espacés les uns des autres, régulièrement éclaircie, composée périodiquement (tous les 30 à 40 ans), d’arbres hauts. « Le taillis est obtenu par une technique sylvicole de recépage,  c’est-à-dire une coupe du pied au ras du sol, des arbres et arbustes tous les 15-20 ans, permettant la parfaite régénération naturelle de la haie, explique Frédéric Coulon. Chaque touffe de rejets se compose de branchages bas, larges, évasés. Ces deux modes de conduites cohabitent dans les haies dites “mixtes”. Mais n’oublions pas les arbres têtards et émondes qui sont une forme de taillis en hauteur, sans compter les autres formes. »

Frédéric Coulon rappelle que « la mobilisation de la biomasse accumulée dans un arbre conduit en taillis est maximale, car tout le bois est exploitable pour l’énergie sous forme de bois déchiqueté (plaquette) ou bois-bûche. L’arbre mené en futaie est quant à lui plus difficilement exploitable pour des raisons techniques, mais aussi en raison du caractère “patrimonial” de ces arbres champêtres. »

Une productivité comparable à la forêt

Des données d’évaluation de la productivité bocagère issues de chantiers de mesure locales estiment de 6 à 7 m3/km par an dans les régions océaniques de l’Ouest et du Nord, 4,5 à 6 m3/km par an en climat plus continental (été plus sec) ou montagnard, et 3 à 4 m3/km par an dans le sud de la France. « La productivité d’un kilomètre de haie est comparable à celle d’un hectare de forêt, bien que légèrement inférieure, poursuit l’ingénieur. Les haies mixtes, taillis avec futaie, produiront moins de bois-énergie récoltable qu’un taillis simple : de l’ordre de 15 à 20 % en fonction de la part des arbres en futaie. Mais un vieux chêne ou un grand frêne offrent d’autres services écosystémiques et paysagers. Quant aux haies arbustives, souvent moins de 4 à 5 mètres de haut, peu pourvues en ligneux, il est difficile d’envisager de récolter plus de 2,5 m3/km par an dans les territoires au climat très favorable. La rentabilité de la récolte du bois-énergie est donc faible, mais leur valorisation en plaquette forestière ou bois d’œuvre peut motiver leur entretien par l’agriculteur. Les haies basses, taillées tous les ans, ou composées seulement d’arbustes buissonnants, se prêtent mal à la production de bois-énergie : le coût de récolte est trop élevé par rapport à la valeur du bois. Elles représentent une petite partie du bocage français, moins de 5 %, mais peuvent être significatives localement comme dans le Morvan, par exemple, ou la région méditerranée. » Cette évaluation de la productivité est encore parcellaire, pas toujours réalisée selon des méthodologies comparables, et provient surtout de haies gérées selon des bonnes pratiques sylvicoles. « Or, les haies sont très souvent entretenues dans le seul objectif de limiter leur emprise au sol, avec des techniques (tailles latérales et sommitales fréquentes, présence de troués…) qui en dégradent la qualité écologique et la valeur économique, tout en étant très coûteuses pour l’agriculteur (1). Il importe donc d’améliorer ces pratiques et d’aller vers une gestion durable des haies, en s’appuyant sur le Label Haie [voir encadré, NDLR], si l’on souhaite développer des filières durables de valorisation de la biomasse bocagère. »

(1) Tailles fréquentes et récolte peu valorisée, parfois même brûlée sur place 

Label Haie

Destiné aux gestionnaires de haies et aux distributeurs de bois, le Label Haie a été lancé en 2019 dans l’objectif de labelliser 3 500 agriculteurs et 35 000 kilomètres de haies d’ici 2024, et de permettre la production annuelle de 175 000 tonnes de bois plaquette labellisé. Il bénéficie de 175 000 euros de subventions publiques du ministère de la Transition écologique, de l’Ademe, de l’Office français de la biodiversité, des Régions Pays-de-la-Loire, Bretagne, Normandie et du soutien de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’homme. Le label définit les principes de gestion durable des haies bocagères et guide l’acquisition de bons gestes techniques et de pratiques respectueuses de l’environnement, tout en traçant l’origine d’un bois durable récolté sans surexploitation. 

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