Décryptage
Les CEE en agriculture : un sillon à creuser ?
Les certificats d’économie d’énergie, qui subventionnent la mise en place de process moins énergivores, sont sous-utilisés en agriculture. Des marges de progression existent pour adapter le mécanisme aux spécificités du secteur.
Le secteur agricole occupe une place à part dans la transition énergétique puisqu’il représente une faible part de la consommation d’énergie nationale (3 %), mais contribue à 20 % des émissions de gaz à effet de serre. Malgré son faible impact énergétique, le secteur pourrait encore réduire sa consommation de 10 %, sans affecter ni sa productivité ni sa compétitivité selon l’Ademe. Pour autant, les gisements d’économie restent difficiles à atteindre, en particulier parce que la population d’agriculteurs est largement dispersée, sinon isolée sur le territoire.
Les serres : 95 % des CEE en agriculture
Bien que le mécanisme des certificats d’économie d’énergie (CEE) s’applique à tous les types d’agriculture (via 22 fiches standardisées), c’est le segment des serres maraîchères qui l’exploite le plus, à hauteur de 95 % des CEE générés. « Les serres ont des consommations d’énergie conséquentes, représentant jusqu’à 25 % des charges », explique Marc Gendron, délégué général de l’ATEE (Association technique énergie environnement). « En outre, la mobilisation de la FNPL [Fédération nationale des producteurs de légumes] a permis une bonne appropriation du mécanisme par les serristes qui l’utilisent systématiquement pour leurs projets », complète Florent Garinet, chef de projet industrie-agriculture chez le délégataire GEO PLC. Parmi les opérations les plus subventionnées figurent la récupération de chaleur émise par une industrie voisine ou un groupe froid, l’utilisation d’un stockage d’eau de type “Open Buffer” ou encore l’installation d’ordinateurs climatiques dotés d’un module d’intégration de température.
Montage administratif lourd
En dehors de ce segment, les CEE restent largement sous-utilisés par la profession. Ainsi, alors que les tracteurs et engins automoteurs engloutissent à eux seuls plus de la moitié des consommations énergétiques du secteur, peu de fiches y font référence. Elles sont, du reste, peu utilisées. « Le montage administratif est lourd pour un résultat faible en termes de CEE générés », explique Marc Gendron. « Ces opérations ne représentent pas un intérêt suffisant pour les agriculteurs, ni pour les structures d’animation qui pourraient porter ces démarches. » En outre, les agriculteurs peuvent éprouver des difficultés pour trouver l’interlocuteur à même de les accompagner. De fait, « les délégataires ont délaissé le secteur agricole, faute de savoir massifier les démarches », explique Florent Garinet de GEO PLC. L’entreprise est une des rares à accompagner les agriculteurs de l’audit de faisabilité jusqu’à réception du chantier et des CEE afférents. Selon lui, le seul moyen de toucher largement les agriculteurs est de passer par les organisations collectives : coopératives agricoles, fédérations professionnelles, etc. Inversement, les agriculteurs sont invités à se rapprocher des chambres d’agriculture, qui jouent un rôle de facilitateur pour leur faire bénéficier de ces primes.
Un dernier enjeu réside dans le fait que les émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur agricole sont majoritairement non énergétiques et générées par des processus biologiques. En ne s’appliquant qu’aux consommations d’énergies, les CEE se révèlent donc inadaptés aux enjeux du secteur. La pérennisation du dispositif de certificats d’économie des produits phytosanitaires (Cepp) – pour l’instant expérimental – pourrait permettre d’attaquer plus de gisements de GES.
Les CEE, qu’est-ce que c’est ?
Mis en place en 2005, le dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE) incite les fournisseurs d’énergie (les “obligés”) à promouvoir la sobriété énergétique auprès des consommateurs. Au cours d’une période, ils ont l’obligation (sous peine d’amende) de se procurer un certain volume de CEE, correspondant à la réalisation d’opérations d’économies d’énergie (chiffrées en kWh cumac) chez les différents clients finaux (ménages, entreprises, industries, etc).
Les CEE en agriculture
448 500 agriculteurs en France.
20 % : c’est la contribution de l’agriculture aux émissions nationales de gaz à effet de serre.
3 % : c’est la part de l’agriculture dans la consommation totale d’énergie de la France.
1,2 % : c’est la part de CEE générés par le secteur agricole entre janvier 2018 et juin 2019.