Décryptage
Méthanisation : la Seine-et-Marne étudie le potentiel économique du BioCO₂
Le département de la Seine-et-Marne vient de publier une étude sur la valorisation du BioCO₂ issu de la méthanisation. Les résultats montrent un potentiel important mais dont l’exploitation est freinée par des contraintes économiques et réglementaires.

Achevée fin septembre, une étude conduite sous la charte Cap Métha 77, qui structure la filière méthanisation en Seine-et-Marne, met en lumière les leviers et limites du développement d’une filière locale de BioCO₂. Le département, déjà un pilote francilien en méthanisation, dispose de 46 unités en injection, dont 44 méthaniseurs agricoles, capables de générer jusqu’à 85 000 tonnes de CO₂ biogénique par an. Un potentiel considérable, mais encore peu valorisé : ce gaz, sous-produit de l’épuration du biométhane, est aujourd’hui majoritairement relâché dans l’atmosphère.
Potentielle croissance des besoins
« Notre étude a recensé près de 150 entreprises seine-et-marnaises potentiellement consommatrices de CO₂, dont 100 qui sont déjà consommatrices, explique Sophie Kuhn, cheffe de service expertise déchets, énergie, climat pour le département. Nous avons estimé la demande à 7 000 tonnes par an environ. » Les usages sont principalement l’agroalimentaire, les serristes, la production de boissons gazeuses et de glace carbonique, ou l’étourdissement de bêtes avant abattage.
Les besoins pourraient atteindre 110 000 tonnes d’ici 2040 dans le département, notamment via la séquestration du carbone dans la production de bétons recyclés et, plus hypothétiquement, la production de kérosène pour le verdissement du transport aérien (proximité des aéroports parisiens). À ce jour, le marché reste dominé par de grands fournisseurs industriels, peu enclins à traiter avec des agriculteurs produisant des volumes restreints.
Rentabilité en question
La rentabilité des installations constitue d’ailleurs un point clé. « Selon nos calculs, la captation et la liquéfaction du BioCO₂ deviennent viables à partir d’unités de 300 Nm³/h, produisant environ 30 GWh/an et 3 000 tonnes de BioCO₂, pointe Sophie Kuhn. Or, la plupart des méthaniseurs seine-et-marnais n’atteignent que 150 à 200 Nm³/h. » Les coûts d’investissement varient entre 1 et 1,6 million d’euros selon la qualité de BioCO₂ visée, standard ou alimentaire, auxquels s’ajoutent environ 100 000 € par an de fonctionnement. La tonne de BioCO₂ se négocierait entre 120 et 175 €, voire 190 € pour le grade alimentaire, des niveaux de prix exigeant des volumes significatifs de production pour couvrir les coûts des exploitants méthaniseurs.
Un gain économique et environnemental
L’un des leviers identifiés réside dans la mutualisation. « Il faut un hub de minimum trois unités de méthanisation pour atteindre des volumes suffisants, permettant l’amortissement des équipements, pointe Sophie Kuhn. Au-delà de huit méthaniseurs, les coûts de transport et de canalisations rendent l’opération non rentable. » Mais les obstacles demeurent : exigences de pureté pour les usages alimentaires, saisonnalité des besoins (notamment des serres), absence de valorisation économique du BioCO₂ dans la réglementation.
Le département mise sur l’émergence de partenariats, l’optimisation des processus et un soutien économique institutionnel. Pour les exploitants, la valorisation du BioCO₂ représente un atout économique et environnemental, en améliorant le bilan carbone de leurs unités et leur conformité aux critères de durabilité imposés par la directive européenne (RED III) sur les énergies renouvelables.


