Méthanisation : « Les élus manquent de courage politique »

« Nous voulions changer nos pratiques pour répondre aux attentes de la société, mais certains riverains et élus s’y opposent lorsque les projets se situent sur leur territoire », regrette amèrement Nicolas Galpin. Ce céréalier d’Auvernaux et Thierry Vandenhende avaient lancé, en 2019, un projet de méthaniseur à Fontenay-le-Vicomte (Essonne). 31 500 t/an de matières organiques devaient être valorisées, dont 55 % d’origine végétale issus des exploitations et 45 % de sous-produits agroalimentaires (avec Sede, filiale de Véolia, comme partenaire). Le coût total de l’investissement était estimé à 8 millions d’euros.

Levée de boucliers

« Notre projet était déjà vertueux, il l’est d’autant plus dans le contexte de la guerre en Ukraine, explique Thierry Vandenhende. Nous souhaitions produire du biogaz, tout en disposant du digestat pour fertiliser nos sols alors que le prix des engrais flambe. » Cependant, dès les premières réunions avec l’équipe municipale, les agriculteurs ont fait face à de fortes inquiétudes. Craintes d’odeurs, de pollution, de nuisances liées au transport… les opposants s’organisent en une association très active sur les réseaux sociaux. « Nous avons modifié nos plans pour couvrir le digestat et éviter le peu d’odeurs qui auraient pu être émises, expliquent les porteurs de projet. Nous avons fait appel à une agence de communication pour nous accompagner : un site web a été créé, nous avons distribué 1 800 tracts auprès des élus et riverains pour expliquer notre projet et nous avons organisé des réunions avec les élus puis des séances publiques, mais certaines ont dû être annulées à cause de la pandémie. Nous avons aussi organisé la visite d’un site, mais très peu de personnes sont venues. Dans la perspective des futures élections, certains élus qui soutenaient le projet au départ ont pris peur face à ces réactions de rejet. Ils se sont mis à soutenir les anti et ont finalement bloqué le projet. D’autres élus officiellement favorables aux unités de méthanisation deviennent contre lorsqu’elles s’installent sur leur territoire. Nous ne supportons plus les comportements électoralistes à court terme de nos politiques. »

Envolée des cours de matières premières

Malgré ces oppositions, le permis de construire a été accordé par le préfet en 2021 et les agriculteurs se sentaient prêts à engager les travaux. Néanmoins, les actions des opposants ont fait perdre du temps et les devis, signés en 2020, ont vu leur montant bondir de 10 à 20 % avec l’envolée des cours des matières premières. En décembre 2021, Nicolas Galpin et Thierry Vandenhende ont dû renoncer à leur projet. « Aujourd’hui, en Essonne, le conseil départemental prévoit 23 projets de méthanisation d’ici à 2030, soulignent les agriculteurs. Or seules trois unités sont en fonctionnement ou en cours de construction. C’est cette incohérence entre les propos des élus et leurs actes que nous dénonçons. Ils manquent de courage politique. » Pour des porteurs de projets qui souhaiteraient se lancer, Nicolas Galpin conseille de « communiquer le plus possible, très tôt, tout en sachant que les antiméthanisation sont très présents sur les réseaux sociaux et que leur impact est très fort. »