Retour d'expérience

Méthanisation : mutualiser les investissements

À Surgères, en Charente-Maritime, une vingtaine d’agriculteurs s’est associée pour investir dans la construction d’une unité de méthanisation. Inaugurée en septembre 2021, celle-ci est capable de traiter 40 000 tonnes de biomasse par an. De leur côté, les agriculteurs se partageront les revenus liés à la vente du biogaz, ainsi que le digestat généré par l’unité.

PAR ARNAUD WYART - MAI 2022
Installée au cœur du parc d’activités de La Combe, lunité produira 1 803 300 Nm3 de biométhane par an et 387 MWh PCI de ce gaz seront injectés dans le réseau. ©Aunis Biogaz

Initié en 2013 par Thierry Bouret, céréalier à Saint-Pierre-d’Amilly, le projet de méthaniseur de Surgères a été monté en réponse à un appel d’offres de la Région Nouvelle-Aquitaine. L’idée consistait à l’origine à valoriser la production des cultures alternées de l’agriculteur, obligatoires pour le nettoyage des sols. Afin de réunir le montant nécessaire à l’investissement et des capacités en intrants suffisantes, Thierry Bouret est parvenu à convaincre une vingtaine d’agriculteurs locaux, en majorité des éleveurs, de le rejoindre dans l’aventure. Mené en partenariat avec l’Ademe et la Région, le projet consiste à récupérer les sous-produits (fumier/lisier, pailles, cultures intermédiaires à vocation énergétique, déchets de silos, etc.) générés par les agriculteurs impliqués dans le projet et dans un rayon inférieur à 15 km, afin de produire du biogaz et un digestat permettant de diminuer l’utilisation d’engrais chimiques. Pour lever l’investissement (plus de 8,5 millions d’euros au total), le groupement d’agriculteurs s’est rencontré à plusieurs reprises avant de créer en 2016 la SAS (société par actions simplifiées) Aunis Biogaz. Cette dernière compte parmi ses actionnaires les agriculteurs partenaires, mais aussi le syndicat mixte Cyclad et l’abattoir de Surgères qui fournissent des intrants supplémentaires, tels que des déchets, des tontes de pelouse, etc. « Le capital de l’entreprise a été ouvert au groupe d’agriculteurs selon les montants que ceux-ci souhaitaient investir. L’unité a d’ailleurs été dimensionnée en fonction des engagements de chacun. Nous avons commencé par mener une étude de nos capacités en intrants. Ensuite, nous avons discuté avec GRDF sur la quantité de biogaz qui pouvait être injectée dans le réseau car nous avons opté pour une injection à 100 %. Cela n’a pas posé de problème car Surgères affiche une importante consommation de gaz, y compris l’été, notamment via une laiterie et quelques industries. Notre biogaz permettra de couvrir 25 % des besoins des entreprises et des particuliers », explique Thierry Bouret, président de la SAS.

Un projet ancré localement

Au sein d’une aire paillée, la litière s’accumule chaque jour par le dessus et forme une couche de plus en plus épaisse. Celle-ci s’échauffe en profondeur jusqu’à 40°C environ du fait de l’activité bactérienne. À la ferme expérimentale de la Blanche maison (élevage de vaches laitières), dans la Manche, un système a été testé pour récupérer cette chaleur afin d’assurer les besoins en eau chaude sanitaire de l’élevage et le chauffage de 15 m² de locaux. Le dispositif de récupération a été constitué de tuyaux enterrés à 15-20 cm en dessous du niveau de curage pour éviter d’abîmer les tuyaux lors du vidage de l’aire. Une surface d’échange des tuyaux de 100 m² a été mise en place qui serpente sur environ 200 m² de l’aire paillée. L’installation couplée à une pompe à chaleur de 6 kWh fournit 10 MWh d’énergie sur l’année. L’eau préchauffée par la litière est pompée et stockée dans un ballon de stockage de 700 litres. Elle alimente un chauffage avec radiateurs à basse température. Par ailleurs, cette eau est reprise par la pompe à chaleur pour alimenter un ballon d’eau chaude à 60°C. Cette eau chaude sanitaire assure les besoins au nettoyage de la salle de traite, du tank à lait et alimente le lavabo de la laiterie. « La pompe à chaleur doit être placée à proximité du poste de consommation d’eau chaude. Par ailleurs, la puissance de la pompe à chaleur doit être bien adaptée aux besoins en énergie », souligne la ferme expérimentale. Un autre projet fonctionnant sur le même principe a été mis en place à Maisoncelle dans le Pas-de-Calais, sur la ferme de vaches laitières de l’EARL Périn Étienne. L’installation, couplée à une pompe à chaleur de 16 kWh, fournit 37 MWh de chaleur sur l’année. Cette chaleur assure les besoins de l’élevage et le chauffage de 200 m² de locaux dont la maison d’habitation de l’agriculteur.

Besoins électriques divisés par trois

Pour financer le projet, le groupement d’agriculteurs en Charente-Maritime est parvenu à réunir plus de 6,5 millions d’euros, via des apports personnels et un emprunt d’État. De leur côté, la Région et l’Ademe ont apporté 2 millions d’euros. Le projet a également bénéficié d’une subvention de l’agence de l’eau Adour-Garonne. En termes d’acceptabilité, l’unité de méthanisation n’a pas entraîné de levée de bouclier de la part des riverains. Pour la SAS Aunis Biogaz, la principale difficulté a résidé dans le montage juridique et administratif du projet, d’autant que celui-ci est classé ICPE (installation classée pour la protection de l’environnement) et soumis à autorisation préfectorale. « Nous n’avons rencontré aucun problème avec la population. Pour cela, nous avons présenté le projet aux élus de la communauté de communes Aunis Sud, et ceci, le plus en amont possible. Nous avons ensuite informé les citoyens via des réunions sur site, des brochures, le lancement d’un site Internet, des visites d’unités existantes, etc. En revanche, des bureaux d’études nous ont accompagnés pour gérer le dimensionnement du projet et son impact environnemental. Un architecte nous a également aidés à obtenir le permis de construire et la communauté de communes Aunis Sud nous a apporté un soutien technique. Il s’agit en effet de dossiers et d’instructions assez nouveaux et complexes. Par ailleurs, notre projet étant soumis à autorisation, une enquête publique a été menée sur le secteur », précise Thierry Bouret. Les travaux ont quant à eux débuté en 2018 et ils ont duré quatorze mois. L’unité est opérationnelle depuis janvier 2020 et les actionnaires de la SAS se partageront les revenus de la vente du biogaz auprès de GRDF. « Pour le moment, il est difficile de calculer les revenus car nous commençons à peine notre activité. Néanmoins, l’objectif consiste à rembourser le prêt garanti de l’État et à devenir rentable d’ici quinze ans. Une partie des revenus liés à la vente du biogaz seront partagés entre les 20 agriculteurs, ce qui représente environ 10 % du chiffre d’affaires total. Aujourd’hui, nous bénéficions surtout du digestat. Ce dernier est fourni aux agriculteurs au prorata de leur apport en intrants et il permet de réduire sensiblement le coût des engrais », conclut Thierry Bouret.

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