Retour d'expérience
Méthanisation : un réseau souterrain pour les digestats
Pour éviter la circulation de camions transportant le digestat et les désagréments pour le voisinage, huit agriculteurs de Seine-et-Marne ont enterré un réseau de tuyaux entre l’unité de méthanisation et leurs parcelles.
Hugo Crécy s’est installé sur la ferme familiale de 190 ha en 2020 au Plessis-Placy en Seine-et-Marne. Il cultive essentiellement du blé tendre, de l’orge, et des betteraves mais également du seigle et du pois de printemps. Pour diversifier ses revenus, avec cinq autres exploitations (qui comptent sept agriculteurs au total), Hugo Crécy a créé la SAS May Agroénergie afin de construire une unité de méthanisation sur la commune voisine de May-en-Multien. Mise en fonctionnement en février 2022, l’unité injecte 140 Nm³/h de biométhane dans le réseau. « L’objectif est d’atteindre 250 Nm³/h en 2024 lorsque notre demande d’enregistrement de l’installation classée pour la protection de l’environnement [ICPE] sera validée par la préfecture », précise l’agriculteur. Ensilages de maïs, d’escourgeon et de seigle, couverts intermédiaires à vocation énergétique (mélange tournesol, sorgho et niger par exemple) mais aussi pulpes de betteraves (sous-produits de l’industrie sucrière) et menues pailles (résidus évacués à l’arrière de la moissonneuse-batteuse) alimentent le méthaniseur.
Gain de temps
« Le digestat produit par l’unité, étant de l’azote organique, il améliorera la structure des sols et me permettra d’être moins soumis aux cours élevés des engrais chimiques, souligne l’agriculteur. Pour éviter la circulation de camions de digestat et les désagréments pour le voisinage, nous avons enterré un réseau de 12 km de tuyaux et installé des “bornes” sur nos parcelles. Un tuyau souple d’épandage sera tracté par un engin automoteur et une rampe-pendillard . Cet ensemble pourra fonctionner jusqu’à 2 km autour de chaque sortie du réseau, ce qui permettra d’atteindre la majeure partie des parcelles des six exploitations. » Une pompe alimente la rampe en continu, ce qui permet de gagner du temps et donc d’augmenter le débit de chantier (il n’y a plus d’aller-retour entre le champ et le lieu de stockage du digestat). La consommation de carburant est ainsi fortement réduite. L’épandage sans tonne, comme se nomme ce type d’installation*, comporte également des avantages agronomiques car il permet de réduire les tassements de la parcelle, et donc les problèmes de compaction qui gênent l’enracinement des cultures et la circulation de l’eau. Par ailleurs, l’épandage ayant lieu en sortie d’hiver sur blé ou orge, le tuyau traîné n’a pas de conséquences néfastes sur ces cultures. Enfin, l’utilisation de la rampe-pendillard permet de limiter les risques de volatilisation. En revanche, enterrer le réseau n’est possible que si le parcellaire est regroupé autour de l’unité de méthanisation, ce qui est le cas ici. « Environ 300 000 euros ont été investis dans les tuyaux et les tranchées, sur les 5,6 millions d’euros de budget total pour la création de l’unité de méthanisation, compte Hugo Crécy. C’est un investissement qu’il faut voir à long terme. Les bénéfices liés à l’absence de camions sur les routes et à la facilité d’épandage ne se calculent pas forcément en euros ! »
Autre projet lié aux énergies renouvelables sur l’exploitation de Hugo Crécy : cet hiver, la construction d’un hangar photovoltaïque de 600 m² (pour une puissance électrique de 100 kW) est prévue sur l’exploitation. Il permettra notamment de stocker les céréales à plat.
* Un enrouleur installé à l’arrière du tracteur permet de dérouler le tuyau d’alimentation en digestat pendant l’épandage.