Retour d'expérience

Mieux maîtriser les émissions fugitives de biométhane dans les exploitations

Le projet FELeaks s’est penché sur les pertes de biométhane dans les unités de méthanisation. Bien que celles-ci soit généralement faibles, elles sont présentes sur une majorité d’installations et représentent un réel enjeu pour les exploitants. Explications.

PAR ARNAUD WYART - FéVRIER 2024
Application de la méthode d’estimation des flux sur une fuite contrôlé en laboratoire. ©INRAE Opaale

Sur une unité de méthanisation, les émissions fugitives de biométhane sont difficiles à quantifier, d’autant qu’elles sont invisibles à l’œil nu. Néanmoins, il y a de fortes chances d’en trouver lors d’une campagne de détection. Il peut s’agir d’un boulon mal serré, d’un filetage de vis défectueux, ou encore d’un manque d’étanchéité. Pour les exploitants, la plupart de ces émissions sont facilement réparables, mais certaines peuvent nécessiter des réglages plus fins : installation, par exemple, de capteurs de pression pour assurer d’abord le déclenchement de la torchère en cas de surpression dans le gazomètre, puis, en dernier recours, celui de la soupape (organe de sécurité émetteur de méthane) ; voire des modifications dans la conduite des unités afin de limiter au maximum les surpressions dans le gazomètre ou de limiter les émissions au niveau du stockage du digestat. En France, les émissions fugitives de biométhane sont étudiées par des acteurs tels que l’Inrae (1). Entre 2014 et 2018, le projet TrackyLeaks a ainsi permis de réaliser des essais sur une unité de méthanisation et de développer une méthode d’estimation des fuites grâce à une caméra de détection OGI (optical gas imaging). « Ce type de caméra travaille à une longueur d’onde spécifique, en l’occurence celle du méthane, principalement pour la sécurité des sites. L’idée consistait à l’utiliser et à développer une méthode d’estimation des flux en se basant sur les images, afin de faire de la quantification », explique Nicolas Auvinet, ingénieur d’études à l’Inrae et pilote du projet FELeaks. Initié en 2019 par l’Inrae et financé par l’Ademe, FELeaks a pris la relève de TrackyLeaks, en réunissant, pendant près de quatre ans, CH4 Process (société d’ingénierie spécialisée notamment dans la détection des émissions fugitives), l’Agence Auvergne-Rhône-Alpes Énergie Environnement (Aura-EE) et l’association Aile (2). L’objectif consistait à améliorer la quantification initiée par TrackyLeaks (pour la rendre plus robuste, rapide et polyvalente vis-à-vis des caméras utilisées), mais également à sensibiliser les exploitants à la détection d’émissions fugitives. « Les enjeux sont à la fois d’ordre économique (pertes de production), environnemental (émission de gaz à effet de serre) et sécuritaire (risques d’intoxication, etc.) », assure Guillaume Coicadan, chargé de mission à l’agence Aura-EE.

L’importance d’une bonne maintenance

Dans le cadre de FELeaks, une campagne de quantification a été menée sur 15 sites de méthanisation représentatifs du paysage français et à l’aide de deux caméras OGI différentes. « Nous avons développé une solution pour acquérir des vidéos d’une minute. L’analyse est ensuite réalisée en laboratoire sur des séquences de 10 secondes. Elle durait 30 minutes dans le premier projet. Désormais, 9 minutes suffisent », affirme Nicolas Auvinet. Parmi les principaux enseignements, 2 des 15 unités n’ont présenté aucune émission fugitive. Les 13 autres affichaient des émissions facilement résorbables, souvent avec deux ou trois fuites différentes, des joints fatigués par exemple. « Nous n’avons pas détecté de fuite diffuse au niveau du stockage du digestat ou des soupapes, notamment en raison de la durée nécessairement restreinte des mesures, mais ce sont des points de vigilance importants à prendre en compte », indique Guillaume Coicadan. « En outre, l’usage des caméras a des limites, en particulier si la fuite est trop faible ou difficilement observable, en cas de vent par exemple. » D’un point de vue économique, la plupart des sites ont affiché un facteur d’émission (3) inférieur à 0,5 %. « Ces émissions sont généralement faibles, mais avec un facteur d’émission de 0,5 %, les pertes peuvent représenter plusieurs milliers d’euros de chiffre d’affaires par an », précise Guillaume Coicadan. De leur côté, les exploitants ont un rôle à jouer, d’autant que la plupart des émissions fugitives peuvent être évitées. « Il faut assurer une maintenance spécifique, notamment après chaque intervention sur site. Le premier niveau de vérification consiste à analyser l’air ambiant à l’aide d’un analyseur de gaz portatif. Le second niveau nécessite la venue d’un prestataire, a minima une fois par an, et repose généralement sur de la détection via l’utilisation d’une caméra OGI [il faut compter 1 500 € pour un passage, ndlr]. Cette méthode est rapide et permet de détecter précisément la fuite », affirme Nicolas Auvinet. Des fiches pratiques ont été réalisées pour les acteurs de la filière (sur la réglementation, les vérifications, les réglages du couple torchère-soupape, la conception des unités, etc.). Elles sont disponibles ici. Le rapport final, lui, sera disponible dans les prochains mois sur le site de l’Ademe.

(1) Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.

(2) Association d’initiatives locales pour l’énergie et l’environnement.

(3) Part du méthane perdu par rapport à la part valorisée.

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