Entretien
Produire de l’hydrogène turquoise
Patrick Peters, PDG de la start-up Spark Cleantech, nous explique la technologie innovante de rupture qu’il développe pour décarboner les process industriels. Produire sur site de l’hydrogène turquoise par plasmalyse du biométhane.

Quel est l’objectif de votre start-up ?
Patrick Peters : En 2022, nous avons créé notre start-up Spark Cleantech sur le plateau de Saclay en région parisienne afin de développer une technologie de rupture pour décarboner les process industriels. Aujourd’hui, les industriels, pour leurs besoins en chaleur dans leur process « haute température », brûlent du gaz naturel (méthane, CH₄), ce qui dégage beaucoup de gaz à effet de serre. La combustion du méthane génère des émissions de CO2 alors que celle de l’hydrogène produit de l’eau. Par ailleurs, la technique la plus répandue pour produire de l’hydrogène vert est l’électrolyse. Mais cette technologie consomme beaucoup d’électricité. Notre alternative permet d’utiliser cinq fois moins d’électricité que pour l’électrolyse. Nous pouvons ainsi produire de l’hydrogène « turquoise » (moins consommateur d’électricité que l’hydrogène « vert », et donc plus vertueux), et capturer du carbone à l’état solide que nous pouvons également valoriser.
Quel procédé utilisez-vous ?
P. P. : Deux électrodes développent un arc électrique dans un volume contenant du biométhane pour créer du « plasma ». L’effet flash de l’énergie apportée permet de dissocier la molécule de méthane en hydrogène d’une part et en carbone d’autre part. Cette technologie porte le nom de plasmalyse de méthane. L’effet flash peut être comparé un peu à la foudre dans l’air qui casse tout et crée une onde de choc, le tonnerre. L’hydrogène se stockant encore très mal, l’objectif est de le valoriser directement sur le lieu où on le produit pour décarboner des process industriels. La flamme issue de l’hydrogène produit de la chaleur utile dans les process tels que la fusion de verre ou la fonte de métaux. Le carbone, sous forme de poudre, peut se stocker et se transporter vers les industriels qui l’utilisent pour fabriquer des matériaux tels que les pneus par exemple.
Comment cette technologie est-elle appliquée concrètement ?
P. P. : Nous avons installé notre premier pilote en juillet 2024 sur l’unité de Sologne Agri Méthanisation à Lamotte-Beuvron (Loir-et-Cher). Nous utilisons le biométhane produit au sein du méthaniseur pour produire de l’hydrogène et du carbone solide. Grâce à nos cinq cellules de plasma, nous produisons 5 kg d’hydrogène et 15 kg de carbone solide par jour. À ce jour, l’hydrogène et le carbone produits ne sont pas valorisés, les quantités produites étant trop minimes.
Quels sont vos projets ?
P. P. : Nous travaillons actuellement sur un deuxième prototype qui permettra de démarrer la production sur des unités de 200 kg/j d’hydrogène. Ainsi, la production totale de 1 000 kg/j d’hydrogène devrait être atteinte, ce qui correspond aux besoins d’un industriel. On envisage de commercialiser cet outil de décarbonation, pour des usages français puis internationaux, à l’horizon 2027.