Stratégie
Quand une filière bois énergie émerge grâce aux haies
En Normandie, la coopérative Bois bocage énergie a vu le jour il y a presque dix ans pour enrayer la disparition du bocage et proposer aux collectivités un chauffage au bois à un coût avantageux via une démarche locale.

Dans l’Orne, le rythme de disparition du bocage en 2006 atteignait environ 2 000 km de haies par an, faute notamment de valorisation économique du bois. La main-d’œuvre nécessaire à leur gestion, et notamment à la taille, s’avère rare et coûteuse, alors même que les exploitations s’agrandissent et ont de plus en plus de linéaires de haies à gérer. Pour Laurent Nevoux, ex-coordinateur de la société coopérative d’intérêt collectif Bois bocage énergie, le constat était sans appel : « la gestion devait se mécaniser afin, d’une part, de réduire les coûts et, d’autre part, de remobiliser les agriculteurs qui avaient délaissé la gestion des haies, cette dernière demandant un travail difficile physiquement ».
L’idée était donc de créer en 2006 une société coopérative d’intérêt collectif (Scic) et de proposer aux collectivités un chauffage au bois pour les petites chaufferies collectives à plaquettes à un coût assez avantageux, avec un circuit de proximité pour réduire les coûts et valoriser la démarche locale. La Scic assure une rémunération équitable des différents acteurs grâce à des contrats longue durée afin d’apporter de la visibilité à l’investissement des collectivités. Preuve de la réussite de ce projet : de 21 associés au départ en 2006, ils sont 230 aujourd’hui.
Six à huit mois de séchage
Concrètement, les agriculteurs gèrent l’abattage et le déchiquetage des haies avec deux broyeurs achetés via une coopérative d’utilisation de matériel agricole (Cuma) déjà existante sur le territoire. La Scic achète les plaquettes et gère le séchage et la livraison des commandes de combustible bois sec aux 45 collectivités clientes. Le stockage s’effectue soit sur une plateforme chez un agriculteur, soit sur des plateformes construites par les collectivités, afin de passer de 50 % à moins de 25% d’humidité en six à huit mois. « À 130 € la tonne (hors taxes) de plaquettes sèches livrée, le kWh revient à 4,2 centimes d’euros, contre 10 à 25 cts d’euros le kWh d’électricité », note Laurent Nevoux.
En se développant, la Scic Bois bocage énergie a également étendu ses activités. Elle organise des chantiers de plantation de haies chez les agriculteurs (20 à 40 km par an depuis 2022) afin d’assurer la pérennité des ressources dans l’avenir), propose des prestations aux collectivités pour estimer le gisement de bois (à l’occasion notamment de l’élaboration du plan local d’urbanisme intercommunal), réalise des plans de gestion de haies, et accompagne les collectivités dans l’installation de chaudière biomasse. « Il faut notamment bien penser la logistique du bois dans la conception de la chaudière en prévoyant la livraison par benne agricole, souligne Laurent Nevoux. Par ailleurs, même si les collectivités sont coopératrices, elles restent soumises à l’obligation de mettre en concurrence la Scic dans le cadre d’un marché public. »
Entretenir les haies
Les haies évoluent au cours du temps. « Plus elles vieillissent, plus leur diversité s’amenuise et plus elles se “creusent” », souligne l’association Agrof’île (Agroforesterie en Île-de-France). Pour maximiser les bénéfices des haies (brise-vent, lutte contre l’érosion, infiltration de l’eau, production de bois d’œuvre et d’énergie…), il est essentiel de bien la gérer par une taille de contention (visant à limiter l’emprise et l’étalement de la haie), ou une taille de récolte ou d’entretien à visée de production de bois. « La taille stimule la production de bois et peut même augmenter la durée de vie de l’arbre », précise l’association. La taille s’effectue en dehors des périodes de nidification des oiseaux et de floraison des arbres et est donc interdite du 16 mars au 15 août.