Le tour de la question
Quel marché pour les biocarburants de synthèse ?
La start-up Energo développe des procédés utilisant le CO2 et le biogaz issus de méthaniseurs pour produire du biométhane de synthèse en utilisant de l’hydrogène d’origine renouvelable. Elle fabrique aussi des biocarburants de synthèse pour les avions et les véhicules ainsi que de l’hydrogène vert.
En juillet 2022, la start-up Energo avait fait parler d’elle en injectant du méthane de synthèse dans le réseau de gaz, dans le cadre d’une autorisation temporaire accordée par la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Le dispositif avait été installé sur le méthaniseur de Sempigny (Oise), afin de capter le CO2 issu de la méthanisation de déchets agricoles (le biogaz produit par méthanisation contient 50 à 70 % de méthane et 30 à 50 % de CO2). Grâce au procédé mis au point par Energo, ce CO2 est mélangé à de l’hydrogène produit par un électrolyseur, avec pour effet de fabriquer du méthane de synthèse. C’est le principe du « power-to-gas », aussi désigné sous le terme de méthanation.
La question du biogaz
« Ce gaz peut être qualifié de “vert” à condition d’avoir du CO2 biogénique, c’est-à-dire d’origine biologique, ainsi que des certificats d’électricité verte pour la production d’hydrogène et la méthanation », précise Vincent Piepiora, président d’Energo. À l’époque, l’injection de biométhane de synthèse n’était pas encore autorisée, d’où l’expérimentation pour vérifier que le gaz injecté avait toutes les caractéristiques exigées par le gestionnaire du réseau de distribution GRDF, partenaire du projet avec le LabCrigen d’Engie. « Maintenant, le biométhane de synthèse est considéré comme un biogaz. On peut l’injecter dans le réseau de gaz, on peut vendre les garanties d’origine à GRDF et on peut signer des BPA (Biomethane Purchase Agreement), qui sont des contrats directement négociés entre producteurs et clients », explique Vincent Piepiora.
En revanche, la France ne semble pas rentable pour la méthanation, sauf pour quelques cas particuliers. Depuis que la campagne d’essais techniques sur le site de Sempigny s’est terminée fin 2022, c’est à l’étranger qu’Energo développe ses projets de production de biométhane de synthèse. « Il est compliqué d’obtenir un équilibre économique avec le power-to-gas, à cause du prix élevé de l’électricité pour produire l’hydrogène vert », assure le président. Energo est en contact avec des énergéticiens qui ont des sites en Espagne, au Portugal, au Maroc ou au Chili pour construire des unités de plus grande taille.
Biocarburants de synthèse
En parallèle, la start-up développe une technologie pour fabriquer des biocarburants à partir de biogaz. « Nous construisons un démonstrateur qui sera opérationnel début 2024. Nous transformons le biogaz brut par synthèse chimique dans nos réacteurs catalytiques, pour obtenir du méthanol et du kérosène. Il s’agit de biocarburants de synthèse liquides et transportables, qui peuvent être utilisés par les avions et tout type de véhicules. Comme ils sont issus de biogaz, ils sont certifiés biocarburants. Ce démonstrateur sera également capable de faire de l’hydrogène vert par vaporeformage de biométhane [une réaction chimique consistant à extraire le dihydrogène du méthane à l’aide de vapeur d’eau à haute température] », assure Vincent Piepiora.
Ce démonstrateur va être testé à tour de rôle sur une petite dizaine de sites candidats en France pendant deux ans et demi. Les applications sont multiples : le dispositif peut équiper des sites en cogénération et des méthaniseurs n’injectant pas sur le réseau, ou permettre l’émergence de méthaniseurs trop éloignés du réseau pour permettre l’injection du biogaz. En effet, les biocarburants peuvent être transportés en citerne jusqu’à un terminal pétrolier. « Nous proposons l’ensemble de la brique technologique, du biogaz jusqu’au carburant. Pour les sites en cogénération, cela vient en remplacement car ce sera plus rentable que de produire de la chaleur et de l’électricité. Une ferme équipée d’un méthaniseur de taille moyenne peut fabriquer 2 000 tonnes par an de kérosène, soit l’équivalent de 50 pleins de gros avions », précise Vincent Piepiora.
Les agriculteurs pourraient vendre leur biogaz à la société de projet ayant financé l’équipement, voire participer à cette société. « Nous effectuons une levée de fonds pour investir dans ces procédés ainsi que dans les sociétés de projet », annonce le président d’Energo.