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Adaptation au changement climatique : des situations critiques pour les entreprises
Une grande majorité d’entreprises repousse à plus tard toute stratégie d’adaptation au changement climatique, sous-estimant les risques physiques qu’elles encourent. Un rapport de Carbone 4 analyse ces comportements de procrastination.
Le troisième plan national d’adaptation au changement climatique, qui doit être dévoilé cet été par le ministère de la Transition écologique, anticipe un réchauffement de + 4 °C en France métropolitaine d’ici la fin du siècle. Un scénario de tous les dangers quand on sait que le pays ne s’est jusqu’à présent réchauffé « que » de 1,5 °C. L’Institut de l’économie pour le climat vient, dans une étude publiée le 4 avril, d’estimer les coûts de l’adaptation à plusieurs milliards d’euros par an pour plusieurs secteurs économiques. Pourtant, beaucoup d’entreprises n’ont pas encore réalisé à quel point l’amplification des sécheresses, les inondations et les tempêtes vont impacter leur existence.
En France, seulement 32 % des sociétés de plus de 500 salariés auraient déjà lancé des projets en lien avec l’adaptation au changement climatique, selon le Baromètre RSE 2023, de Wavestone et C3D. Ce taux parmi les PME n’a pas été estimé, mais on peut imaginer qu’il est particulièrement bas. Le cabinet de conseil Carbone 4 a identifié plusieurs idées reçues qui expliqueraient le manque d’entrain des professionnels à se préparer au changement climatique.
On a le temps…
La première est la (fausse) impression d’avoir le temps : l’horizon de concrétisation des impacts climatiques leur semble trop lointain. Carbone 4 conseille de réfléchir en termes de continuité d’activité physique plutôt que de rester enfermé dans une analyse purement économique du modèle d’affaires. Exemple, l’eau coûte peu cher à une entreprise, mais si cette ressource venait à manquer, son activité économique pourrait être perturbée bien au-delà du poids de l’eau dans sa comptabilité actuelle. Deuxième idée reçue, croire qu’être bien assuré permet d’être protégé. « Les événements climatiques pourraient devenir à ce point récurrents qu’ils ne représentent plus un “risque” à proprement parler. Or sans aléa, pas d’assurance ! », souligne les auteurs de la publication, rappelant aussi que « des assureurs privés choisissent d’augmenter les prix… en réduisant la couverture. »
Troisième idée reçue : penser que les modèles de risques basés sur les tendances historiques suffiront. Au contraire, en matière de réchauffement climatique, les tendances passées ne permettent pas de présager des risques futurs. Les conséquences sont exponentielles, avec des boucles de rétroaction qui les rendent imprévisibles, et certainement pas proportionnelles à la hausse des températures.
Dresser son propre plan d’adaptation
Autre idée reçue, « les leviers d’actions ne sont pas à notre portée. Les pouvoirs publics feront le travail à notre place. » Le cabinet de conseil répond : « Si l’État se doit de fixer les grandes orientations, pour un acteur économique, un plan d’adaptation au changement climatique se réalise à l’échelle d’un site. Il faut d’abord dresser un état des lieux de tous les processus qui permettent au site de fonctionner : intégrité des bâtiments, maintien des conditions de travail ou de production, maintien des conditions de stockage des matières premières ou des produits finis, etc. Puis, pour chaque processus, il faut qualifier, voire quantifier, la menace, et à la suite imaginer les actions d’adaptation qui peuvent être de nature très variée : technique, organisationnelle, financière, humaine, etc. »
Aux professionnels qui pensent qu’ils parviendront toujours à s’adapter, Carbone 4 répond : « Il est quasi certain qu’il ne sera plus possible de s’adapter partout (par exemple, certaines régions du monde seront impropres à la vie humaine une partie de l’année du fait de conditions de chaleur et d’humidité trop importantes) ni tout le temps (il sera de plus en plus probable de souffrir d’une perte irrémédiable, sans pouvoir rien faire de significatif pour compenser les dommages). » Enfin, beaucoup d’entreprises estiment aussi que « la priorité du moment, c’est l’atténuation ». Or, les deux combats sont nécessaires et doivent être menés de front. « Tant que les émissions ne sont pas nulles, la concentration atmosphérique en CO2 augmente et à la suite, l’ampleur du dérèglement climatique s’accroît. » Dont acte.