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Ces salariés qui se bougent pour l’écologie

Pourquoi des salariés se mobilisent-ils pour défendre l’environnement au sein même de leur entreprise, et quels sont les effets de cette mobilisation ? Une équipe de sociologues a mené l’enquête à travers les usages de quatre dispositifs.

PAR CAROLE RAP - MARS 2024
Si les salariés moteurs sont plutôt cadres, des employés participent parfois aux dispositifs à condition que leur contrat de travail ne soit pas précaire. ©2tonnes

Pourquoi des personnes décident-elles de défendre l’environnement au sein de leur entreprise ? Comment s’y prennent-elles et quel impact cela a-t-il sur l’organisation ? L’étude « La mobilisation écologique des salariés » réalisée par trois sociologues sous la coordination technique de l’Ademe apporte des réponses qualitatives. Ces spécialistes se sont penchés sur quatre dispositifs de mobilisation largement diffusés en entreprise pour sensibiliser et agir en faveur de l’environnement : l’atelier 2 tonnes, le réseau Les Collectifs, le parcours Corporate for Change et l’outil digital Lakaa. Ces outils ont pour objectif commun de susciter le passage à l’action des employés. Des entretiens ont été menés auprès d’une vingtaine de responsables (en majorité de la fonction RSE [responsabilité sociétale des entreprises]) et de salariés, issus de douze entreprises dans lesquelles au moins l’un de ces dispositifs était actif. Difficile de résumer ici 130 pages de résultats, mais en voici quelques idées principales.

Activistes internes

Lorsque la mobilisation écologique émerge spontanément de salariés engagés, ceux-ci partagent souvent un parcours commun : déclic écologique personnel ; dilemme entre démissionner pour exercer une activité plus conforme à leurs convictions ou rester chez leur employeur ; choix d’y demeurer pour « faire bouger les lignes de l’intérieur » (l’insider activist) puis initiatives prises au sein de l’entreprise, comme l’animation d’ateliers 2 tonnes (dispositif qui sensibilise à l’empreinte carbone des participants et aux actions concrètes pour la réduire).

En parallèle, la mobilisation peut aussi être impulsée par les responsables RSE. Dans les deux cas, elle s’inscrit dans un contexte général de montée en puissance de la fonction RSE dans les entreprises. « Les PME et les ETI créent des postes de responsables RSE via des recrutements internes auprès de salariés qui ont pu être repérés par leur implication dans des actions de mobilisation », notent les auteurs.

Nouvelle transversalité

L’enquête ayant essentiellement porté sur les grandes entreprises et les ETI (une seule PME), les sociologues constatent que « la grande taille d’une entreprise apparaît en soi comme une contrainte à la mobilisation. Inversement, les quelques témoignages recueillis sur les PME indiquent qu’un taux de mobilisation élevé des salariés peut être plus rapidement atteint. » Le statut professionnel influe aussi sur la capacité à s’engager en interne. « Si les salariés moteurs sont plutôt cadres, des employés participent parfois aux dispositifs à condition que leur contrat de travail ne soit pas précaire. » À noter que la collaboration entre collectifs de salariés engagés et responsables RSE peut être source de tension. Ces derniers tentent parfois de poser des limites à des prises de parole et de position qu’ils jugent trop radicales.

Autre point intéressant, l’impact de cette mobilisation sur les pratiques managériales et le modèle hiérarchique traditionnel. « Elle suscite une nouvelle transversalité qui amoindrit les effets de silos. Elle met en visibilité des profils de salariés qui n’exercent habituellement pas d’influence, ce qui peut perturber certains managers », indique l’étude. Mais la conclusion la plus édifiante est sans doute celle-ci : la mobilisation des salariés contribue à « l’émergence d’une culture partagée de la transition écologique et une légitimation de la politique RSE de l’entreprise, qui favorise par la suite l’acceptabilité des changements parfois radicaux qui en découlent. » À méditer…

Le projet de recherche Ecotaf

Publiée en décembre 2023, l’étude sociologique « La mobilisation écologique des salariés » a été réalisée par le sociologue Gaëtan Brisepierre, la chargée d’étude Marguerite Demoures et la responsable d’étude Mathilde Joly-Pouget. Elle a été cofinancée par l’Ademe dans le cadre du projet de recherche Ecotaf. Celui-ci s’intéresse aux dispositifs qui soutiennent l’engagement écologique des salariés dans le cadre de leur travail. Un rapport intermédiaire a été publié en février 2023. Intitulé Panorama des dispositifs de mobilisation en entreprise, il analysait douze dispositifs sélectionnés parmi une cinquantaine. Sur ces douze dispositifs, quatre ont été choisis pour l’étude qualitative, objet de cet article.

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