Engager sa transition
Comment devenir entreprise à mission ?
Introduit par la loi Pacte en 2019, le concept d’entreprise à mission permet de redonner un sens au travail. Il est adopté majoritairement par des PME, tous secteurs confondus. Explications avec Valérie Brisac, directrice générale de la Communauté des entreprises à mission.

Qu’est-ce qu’une entreprise à mission ?
Valérie Brisac : Le concept a été inventé par des chercheurs des Mines et des dirigeants, avec l’idée que les entreprises ont un rôle sociétal et politique. Il leur permet d’assurer leur pérennité, de conserver leur capacité d’innovation, tout en proposant des produits ou des services qui répondent à des problématiques sociales ou environnementales, par exemple en matière d’inclusion ou d’énergie. Lorsque l’on devient entreprise à mission, on fait en quelque sorte une promesse à la société. La mission guide la stratégie centrale de l’entreprise. Il s’agit d’un changement radical du modèle classique, basé sur la réalisation de bénéfices et le court terme. Il concerne tous les secteurs, partout en France : Backmarket dans la tech, Doctolib dans la santé, Bel dans l’agroalimentaire, Bayard dans l’édition, Raise dans la finance, Transdev dans les transports, Faguo dans la mode…
Comment le devient-on ?
VB : Chaque entreprise se définit une mission qui lui est propre, en fonction de son histoire. Les missions les plus pertinentes sont celles qui font également le lien entre le modèle économique et le territoire. Le souhait de devenir entreprise à mission peut venir de différents services ou de salariés, mais dans tous les cas, il faut que le dirigeant soit lui-même convaincu. Une fois la mission définie (la raison d’être de l’entreprise), celle-ci doit être inscrite dans les statuts, avec des objectifs concrets et le modèle de gouvernance. Les TPE et les PME doivent pour cela choisir un référent de mission. Pour les entreprises de plus de 50 salariés, la création d’un comité de mission est obligatoire.
Quel est l’objectif du référent de mission ?
VB : Il va s’assurer que l’entreprise respecte sa mission et qu’elle est sur la bonne trajectoire. Par exemple, il peut questionner le dirigeant vis-à-vis de la pertinence d’une décision stratégique telle qu’un rachat d’entreprise. Il doit également délivrer un avis tous les ans. En outre, un audit doit être réalisé par un organisme tiers indépendant pour renforcer le contrôle, tous les 18 mois ou tous les deux ans la première fois et tous les deux ou trois ans ensuite. En cas de non-respect de la mission, l’entreprise peut perdre sa qualité de société à mission et voir ainsi son image dégradée.
Justement, cette démarche a-t-elle un réel impact sur les salariés ?
VB : Absolument. La mission apporte ce supplément d’âme que beaucoup de personnes recherchent dans leur travail. Elle est vertueuse, aussi bien en termes de fidélisation des salariés, que d’attractivité, en particulier auprès des plus jeunes. Les entreprises à mission nous disent recevoir beaucoup plus de candidatures, y compris des structures, qui, a priori, ne sont pas spécialement les plus séduisantes.
Avez-vous des exemples d’entreprises à mission dans le domaine de la transition énergétique ?
VB : Sunlib, par exemple, propose de la location de panneaux solaires. Elle prend en charge l’installation et la recherche de prestataires, ce qui évite aux utilisateurs d’investir. Sa mission consiste à faciliter l’accès du photovoltaïque au plus grand nombre. Le gestionnaire de réseau Enedis, lui, se concentre sur l’inclusion des salariés et des territoires. Autre exemple avec le développeur RWE Renouvelables France qui participe à la massification des renouvelables avec un modèle durable, au profit des territoires : inclusivité des acteurs locaux, financement d’un opérateur pour une électricité moins chère, protection de l’environnement, etc.
Chiffres clés
Il existe environ 2 000 entreprises à mission, ce qui représente un million de salariés. Près de 80 % d’entre elles sont des PME. Elles sont fédérées et représentées par la Communauté des entreprises à mission qui se charge se diffuser le modèle au plus grand nombre.