De la chaleur industrielle par concentration solaire

À l’Isle-sur-la-Sorgue dans le Vaucluse, le fabricant de sauces et condiments le Coq Noir utilise de la vapeur pour la cuisson, la stérilisation et le capsulage de ses produits. Cette vapeur est produite principalement grâce au gaz servant à la préparation du chutney de mangue et autres purées de piments. Après un audit énergétique suivi d’un bilan carbone en 2022, le Coq Noir entend accélérer sa décarbonation en utilisant un procédé innovant : l’énergie solaire à concentration.  La technologie a été développée pendant trois ans par la société Alto Solution, basée à Aix-en-Provence. Elle consiste en des réflecteurs de forme cylindro-parabolique (comme des auges) comportant des miroirs incurvés, posés au sol, qui concentrent le rayonnement solaire vers un récepteur en forme de tube où circule un fluide caloporteur. Ce fluide peut transporter la chaleur vers un évaporateur et un système de stockage. Pour d’autres projets, il pourra aussi servir à produire du froid ou de l’air chaud à haute température. Le Coq noir est son premier contrat industriel. « L’objectif de ce projet pilote de 500 kW thermique est de substituer 70 à 75 % du gaz dans les process en moyenne sur l’année. Nous allons fournir de la vapeur à 170°C et l’injecter dans le réseau existant », explique Mehdi Berrada, président fondateur d’Alto Solution. La construction devrait se dérouler au dernier trimestre, pour une mise en service commerciale au printemps 2025.

Chaleur jusqu’à 400°C

Si l’énergie solaire à concentration n’est pas nouvelle, l’innovation d’Alto Solution réside dans la réduction des coûts de construction. La société a breveté une technique de cintrage des miroirs à température ambiante à un tarif de 4 €/m². Elle a également mis au point une structure portante en béton sans fondation, qu’elle évalue à 35 €/m². Des coûts bien inférieurs à ceux des techniques habituellement utilisées. « Nous pouvons produire de la chaleur solaire à partir de 100°C jusqu’à 400°C, à un tarif de 40-50 €/MWh dans la moitié sud, et 50-60 €/MWh dans la moitié nord. Commercialement nous pouvons commencer à partir de 1,5 MW et aller bien au-delà afin d’absorber les coûts fixes. 1,5 MW cela représente une emprise au sol de 5 000 m², dont 2 500 m² de collecteurs », assure Mehdi Berrada. Le projet pilote est un cas particulier car avec seulement 500 kW de puissance (et 855 m² de collecteurs), le tarif de la chaleur sera supérieur aux montants annoncés ci-dessus. « Pour des capacités de 3 à 5 MW, il faut compter un investissement d’environ un million d’euros par MW installé. L’amortissement peut être réalisé en 5 à 10 ans en fonction du montage financier, de l’ensoleillement, du profil de consommation, etc », indique le PDG d’Alto Solution. La start-up propose deux modèles économiques. Elle peut construire la centrale à ses frais et vendre l’énergie aux industriels, ou céder la centrale, clé en main, aux entreprises qui préfèrent investir elles-mêmes.  Le Coq noir a choisi d’acheter l’énergie au travers d’un contrat de vingt ans, avec pour bénéfice la visibilité sur les prix, une disponibilité de l’énergie et une réduction de son empreinte carbone estimée jusqu’à 180 tonnes de CO2 par an. « L’idée est de remplacer les combustibles fossiles dans les industries agroalimentaires, pharmaceutiques, cosmétiques, du minerai, de la chimie, du textile, du papier, etc. Notre technologie s’adresse à toute l’industrie de transformation manufacturière, hormis l’industrie lourde de type sidérurgie ou cimenterie, qui a besoin de températures supérieures à 1 000°C », précise Mehdi Berrada.