La data pour décarboner les flottes industrielles

Quel est le cœur de métier de Hiboo ?

Charles Bénard : Hiboo édite un logiciel de gestion de parc matériel industriel mobile. Pour l’instant, il est principalement utilisé dans le BTP, sur des engins servant par exemple à la construction de routes, à la production de canalisations ou à la revalorisation de déchets. Toutes ces machines (de type bulldozers, pelles, grues, engins de levage, etc.) produisent de la donnée. Hiboo a pour vocation de la collecter et de la revaloriser auprès de nos clients. Cet outil de pilotage permet aux gestionnaires de flotte d’optimiser leurs résultats.

Quel type de données collectez-vous ?

Hiboo permet de récolter et d’analyser des données telles que les heures d’utilisation de la machine, sa position géographique, le taux de remplissage des réservoirs ou des batteries, sa consommation quand elle est en productivité et quand elle est au ralenti, c’est-à-dire lorsqu’elle est allumée sans rien produire. On en déduit plusieurs indicateurs : taux d’utilisation des engins, tonnes d’équivalents CO2 émises, etc. D’une part, cela permet d’améliorer la productivité de la machine, c’est-à-dire le temps pendant lequel elle est vraiment en activité. D’autre part, cela améliore son efficacité énergétique.

Comment ces données sont-elles utilisées pour réduire l’empreinte carbone des flottes industrielles ?

Il s’agit de mesurer la donnée puis de l’observer sous différents angles : par chantier, par catégorie de machines, par période, par zone géographique, etc. Le taux de ralenti moyen pour l’ensemble des machines que nous suivons est de 40 %. Cela signifie que 40 % de la durée de vie d’une machine est passée à ne rien faire, ce qui a deux conséquences : de l’énergie est consommée inutilement, et ces machines doivent être remplacées plus tôt. Même si ce taux n’est pas compressible à 100 %, l’objectif est de le réduire au maximum. La PME Yprema [spécialisée dans la transformation des matériaux de déconstruction, Ndlr] a réduit son taux de ralenti de 30 % à 16 % en quelques mois, soit 52 000 litres de fioul économisés, correspondant à 167 tonnes de CO2eq. Cela peut passer par de la pédagogie auprès des pilotes, ou bien de l’adaptation du matériel, par exemple en ajoutant un système qui coupe le moteur automatiquement dans certaines circonstances. Les entreprises peuvent aussi réaliser que sur un site où de nombreux véhicules font beaucoup d’allers-retours, le temps d’attente quotidien est rallongé à cause des croisements. Il s’agit alors de réoptimiser les routes. En utilisant nos données, on peut également comprendre si la distance quotidienne parcourue par une machine rend pertinente l’acquisition d’un véhicule électrique plutôt que thermique (en tenant compte des capacités de recharge). Nous réalisons aussi le suivi de la pneumatique. Des pneus sous-gonflés, non seulement vont avoir des conséquences sur la sécurité, mais vont aussi augmenter la consommation d’énergie. Grâce à un suivi en temps réel, le client est capable de faire revenir une machine et de réguler le gonflage des pneus. Autre avantage pour l’entreprise, la durée de vie des machines va être allongée, ce qui permet de différer l’acte d’achat.

Qui sont vos clients ?

Ce sont à la fois les exploitants des flottes industrielles, à l’image de NGE, Suez ou Veolia, et les loueurs de ce type de machines. Nous avons aussi quelques clients qui ont des véhicules utilitaires, comme Petit Forestier, spécialiste de la location frigorifique. Au total, Hiboo suit 160 000 machines dans plus de 50 pays, dont une majorité en France. La plupart roulent au GNR (gazole non routier). Or ils sont soumis à des réglementations environnementales, tels la taxonomie européenne, la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) et des critères d’ESG (environnement, social, gouvernance) divers et variés. Ils répondent aussi à des appels d’offres pour lesquels les donneurs d’ordre ont des exigences en termes de décarbonation.